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Anarchisme Au
nom de la liberté individuelle, la doctrine politique de l’anarchisme dénonce
et combat l’ordre social imposé par l’État. Elle refuse et récuse
toutes les justifications par lesquelles l’État affirme la légitimité
de la violence à laquelle il a recourt pour contraindre les citoyens à obéir
à sa loi. La
non-violence rejoint l’intuition de l’anarchisme et reprend à son compte sa
critique de l’État dans la mesure même où la violence, si elle
n’est pas le seul moyen auquel il a recours pour établir ou rétablir
l’ordre social, est en effet son moyen spécifique d’intervention. En
s’attribuant le monopole de la violence légitime, l’État en vient
trop souvent à imposer sa raison en refusant d’entendre les raisons que
peuvent avoir les citoyens de résister à sa toute-puissance. Ce faisant –
l’histoire nous montre que ce n’est pas une pure hypothèse d’école –,
l’État confisque la démocratie au détriment des citoyens. Cependant,
le plus souvent, l’anarchisme est resté prisonnier de son refus de l’État,
comme le pacifisme est resté prisonnier de son refus de l’armée. L’État
et l’armée sont des « monstres froids » qui restent insensibles
aux incantations des anarchistes et des pacifistes qui jurent de les « abattre ».
C’est pourquoi, en définitive, les uns et les autres, faute de proposer des
alternatives crédibles, se sont montrés incapables d’infléchir l’histoire
des sociétés et de les libérer de l’emprise de la violence. La
révolte inspirée par l’anarchisme s’est avérée d’autant plus inopérante
qu’elle s’est exprimée le plus souvent par l’action violente. Ce faisant,
l’anarchisme se discréditait lui-même en s’enfermant dans une
contradiction irréductible : on ne peut contester efficacement la violence
de l’État en s’autorisant soi-même à recourir à la violence. Au
demeurant, la violence anarchiste ne peut que provoquer la répression et
renforcer la violence de l’État. En définitive, ce sont les moyens de
la stratégie de l’action non-violente qui se trouvent en cohérence avec la
fin que l’anarchisme veut poursuivre. La
philosophie politique de la non-violence récuse l’idéalisme et l’irréalisme
de l’anarchisme qui l’ont conduit à ignorer les contraintes de la réalité
et l’ont empêché de proposer des alternatives constructives. Dans le même
temps, la non-violence n’ignore pas qu’elle est mise en demeure de proposer
un projet social et politique cohérent. Elle doit relever ce défi en apportant
la preuve que ses principes et ses méthodes permettent une gestion positive et
une résolution constructive des conflits. C’est seulement à ce prix qu’il
sera possible de libérer la société de l’emprise de la violence. L’idéal d’une société non-violente correspond bien aux vœux de l’anarchisme : l’ordre social n’est plus assuré par la contrainte violente de l’État, mais par l’autonomie des citoyens qui se comportent selon les exigences de la non-violence. Cependant, la philosophie politique de la non-violence ne présuppose pas la suppression des conflits, mais la possibilité de les réguler par des méthodes non-violentes. Elle n’implique pas la disparition de toute autorité politique, mais elle favorise la possibilité d’exercer le pouvoir sans recourir normalement aux moyens de la coercition. Certes, il ne s’agit que d’un idéal, mais tout doit être mis en œuvre pour s’en rapprocher. Tant que la culture d’une société sera dominée par l’idéologie de la violence, elle ne pourra être gouvernée que selon la logique de la violence. Pour qu’une société soit régie selon la dynamique de la non-violence, il faut que sa culture soit pénétrée par la philosophie de la non-violence. La mutation qui s’impose donc à la société pour qu’un réel processus de dépérissement de l’État puisse avoir lieu, est de passer d’une culture de la violence à une culture de la non-violence.
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