Dialogue
Le langage raisonnable est le propre de l’homme. Celui-ci construit sa
personnalité en établissant avec l’autre homme une relation fondée sur l’échange
de paroles. Le dialogue est cet entretien entre deux ou plusieurs personnes,
dans l’écoute et le respect du discours de chacun. Entre des hommes qui ont
opté pour la raison, cet échange s’accomplit hors de toute violence.
Lorsqu’un désaccord survient, il peut provoquer un conflit ; mais
c’est encore par le dialogue que les hommes raisonnables vont s’efforcer de
lui apporter une solution constructive. La communauté sociale et politique est
fondée sur le dialogue démocratique entre tous les citoyens. C’est ce
« parler ensemble » qui structure la cité.
Face à un conflit, la stratégie de l’action non-violente s’efforce de
mettre en œuvre toute la force de la parole. Elle entend épuiser les
possibilités de dialogue avec l’adversaire en faisant appel à sa raison
pour tenter de le convaincre, en faisant même appel à sa conscience
pour tenter de le convertir. S’il accepte la discussion, il est alors possible
d’entreprendre avec lui une négociation pour tenter de parvenir à un accord
qui rende justice à chacun. Malheureusement, face à des individus qui refusent
d’entendre raison, l’appel au dialogue s’avère insuffisant pour pouvoir résoudre
un conflit. Le plus souvent, la force de la parole s’avère impuissante à
faire céder les puissants qui défendront leurs privilèges envers et contre
tout. Ce qui caractérise généralement une situation d’injustice, c’est précisément
l’impossibilité du dialogue entre les adversaires. Et lorsque le dialogue est
impossible, la lutte est nécessaire.
Dès lors, le dialogue ne peut pas être un moyen pour résoudre le conflit
résoudre le conflit ; c’est la lutte qui est le moyen pour « résoudre »
le dialogue, c’est-à-dire pour le rendre possible. Alors que l’action
violente risque fort de rendre le dialogue de plus en plus difficile, l’action
non-violente doit elle-même exprimer tout au long du conflit une volonté de
dialogue. L’adversaire doit être considéré comme un « partenaire »
potentiel avec lequel il faudra bien s’entendre. La fonction de la lutte est
de créer les conditions du dialogue en établissant un nouveau rapport de force
qui oblige les décideurs à reconnaître les acteurs comme des inter-locuteurs
nécessaires. Dès lors, il devient possible d’ouvrir une négociation pour
rechercher les termes d’un accord qui mette fin au conflit en établissant la
justice.
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