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Paix

De par sa signification étymologique (du latin pax), le mot paix signifie un « pacte » scellé entre deux ou plusieurs adversaires parvenus à conclure un accord. Ainsi, dans son sens premier, le mot paix ne désigne pas une situation – « être en paix », « avoir la paix », « vivre en paix » –, mais une action – « agir pour la paix », « faire la paix », « construire la paix ». La paix n’est pas un bien que l’on possède, mais un bien que l’on conquiert. La paix se construit par un acte de la volonté, une décision. Originellement, le mot « paix » ne signifie donc pas un « état de non guerre », l’absence de guerre, mais un accord entre deux belligérants qui signent un « traité de paix ». La paix est un pacte entre deux ennemis qui décident de mettre un terme à leurs hostilités et de fixer ensemble les modalités d’une coexistence pacifique. Une fois la paix acquise, celle-ci procure à chaque citoyen des deux camps adverses la sécurité (du latin sine cura, « sans souci ») qui lui permet de vivre à l’abri des dangers.

La guerre précède donc la paix, elle lui est antérieure. Et la guerre reste toujours possible ; la paix est sans cesse à refaire. La paix ne sera jamais perpétuelle ; elle est une conquête permanente. En instituant un pacte, la paix restaure, dans la relation entre les hommes, la primauté de la parole sur la violence. Le principe même de ce pacte est que chacune des deux parties s’engage à reconnaître et à respecter les droits de l’autre. L’homme pacifique (du latin pax, paix, et facere, faire) n’est pas celui qui demande qu’on le « laisse en paix » ; il n’est pas l’homme paisible qui veut avoir la paix en recherchant la tranquillité à l’écart des conflits, mais celui qui s’engage dans les conflits avec la volonté de les résoudre. L’homme de paix est celui qui, à l’instar de l’homme de guerre, sait prendre des risques pour faire advenir la justice et défendre la liberté. Vouloir la paix, c’est choisir consciemment des moyens de résistance et de lutte dont la mise en œuvre permet de construire la justice ici et maintenant. L’homme pacifique ne jouit pas de la paix, mais la conquiert. Et cette conquête est plus haute que celle de la guerre.

Souvent, les spiritualités ont privilégié la recherche de la « paix intérieure » sans trop se préoccuper de la nécessité d’agir pour la paix en prenant part aux conflits et en s’engageant dans les luttes pour la justice. Mais faut-il attendre d’avoir atteint la plénitude de la paix intérieure pour se décider à agir pour la paix dans le monde ? Ne risque-t-on pas d’attendre longtemps ?! Trop longtemps, quand les victimes de l’injustice n’en peuvent plus d’attendre. Selon ces spiritualités, il importerait d’« être en paix avec soi-même » avant de prétendre apporter la paix aux autres. Mais comment être en paix avec moi-même si je ne suis pas d’abord en paix avec l’autre ? N’est-il pas illusoire de rechercher la paix dans un face à face narcissique avec soi-même ? Dès lors que l’homme est essentiellement un être de relation, il ne peut être en paix que dans la mesure où il est en paix avec les autres hommes. La violence qui meurtrit notre prochain ne peut nous laisser en paix. Et notre « prochain » est aussi celui qui vit au loin.

Le critère premier de la paix n’est pas l’absence de la guerre, mais la présence de la justice. Les idéologies ont prétendu que la paix pouvait être imposée par la violence. Si la paix était seulement le règne de la loi et de l’ordre, un régime totalitaire serait parfaitement paisible. Par l’oppression policière qu’il fait subir aux citoyens, le totalitarisme ne permet l’expression d’aucun conflit. Mais l’ordre totalitaire est le plus injuste qui soit.

Vouloir la paix, ce n’est pas d’abord refuser la guerre, mais refuser l’injustice. Toutes les formes d’oppression, toutes les offenses à la liberté et à la dignité des personnes, toutes les violations des droits de l’être humain sont des atteintes à la paix. Il ne faut pas dire trop vite que la paix vise à établir la concorde et à sceller l’amitié entre les hommes, les communautés, les peuples et les nations ; la paix vise avant tout à instaurer la justice, et cette tâche est déjà incommensurable. Il s’agit de construire des institutions démocratiques qui garantissent le respect des libertés et des droits de l’être humain. Il s’agit de promouvoir l’égalité des chances pour tous les citoyens dans les domaines économique, social, politique et culturel, en dehors de toute discrimination sexuelle, ethnique ou religieuse. La paix n’est pas seulement un droit de l’être humain, elle est la condition préalable et nécessaire qui rend possible le respect de tous les droits de l’être humain.

Parfois, la paix entre les personnes, aussi bien que la paix entre les cités, repose sur des rapports de confiance ; mais, le plus souvent, elle est fondée sur des rapports de force. L’injustice est un déséquilibre des forces ; rétablir la paix, c’est rétablir l’équilibre. Faire la paix, c’est lutter contre l’injustice. La paix exige de prendre le risque de se battre contre ceux qui sont responsables de l’injustice et le refus de se battre serait une lâcheté. Mais faut-il pour autant en conclure que la violence est le moyen normal de faire la paix ?

L’idéologie qui domine nos sociétés postule que la guerre est le moyen nécessaire, légitime et honorable de faire la paix. « Si tu veux la paix, affirme la prétendue ʺsagesse des nationsʺ, prépare la guerre ». Mais cette maxime n’est rien moins que sage. Si nous ne faisons que préparer la guerre, nous ne saurons que faire la guerre. Nous ignorerons comment faire la paix et, lorsque, face à la menace, il faudra passer aux actes, nous ferons nécessairement la guerre. La préparation de la guerre, par la somme des investissements de toutes natures qu’elle exige et détourne à son profit, est un obstacle majeur à la préparation de la paix. Libérer les ressources humaines et financières confisquées par la préparation de la guerre pour les mettre au service de la préparation de la paix serait un progrès décisif de la civilisation. Décider de payer le prix de la paix exige, aussi bien de la part des dirigeants que des citoyens, la volonté politique de changer l’ordre des priorités afin de consacrer demain autant d’intelligence et d’énergie à préparer la paix que celles qui ont été investies hier pour préparer la guerre.

Certes, les hommes ont toujours fait la guerre en proclamant haut et fort qu’ils n’avaient d’autre volonté que de faire la paix. L’homme de guerre peut en effet vouloir sincèrement la paix, et il ne convient certainement pas de lui faire a priori un procès d’intention en l’accusant d’aimer la violence. Mais, au-delà de l’intention qui l’anime, par lui-même, l’acte de guerre met à mal les valeurs supérieures de la civilisation fondées sur le respect de l’autre, fut-il un adversaire. Les moyens violents, destructeurs et meurtriers de la guerre se trouvent en contradiction intrinsèque avec la finalité de la paix qui est d’établir des rapports entre les hommes libérés de l’emprise de la violence et fondés sur la justice. Et la fin de la guerre risque fort de se conclure par la victoire du plus violent qui accable le vaincu. Pareille victoire ne fait pas la paix, mais risque de prolonger indéfiniment le cycle des revanches et des vengeances.

L’homme de paix n’est pas seulement celui qui veut la paix, mais celui qui veut la paix par des moyens pacifiques. La paix n’est pas, ne peut pas être et ne sera jamais l’absence de conflits, mais la maîtrise, la gestion, la régulation et la résolution positive des conflits par d’autres moyens que ceux de la violence destructrice et meurtrière. Vouloir la paix implique donc se préparer à la mise en œuvre des principes et des méthodes de la stratégie de l’action non-violente. Il s’agit de concevoir quels peuvent être les moyens d’une résistance civile face à une oppression, ceux d’une défense civile face à une agression et ceux d’une intervention civile face à une situation d’injustice.

D’aucuns ont voulu faire croire que l’état de paix ne pouvait que provoquer le relâchement et l’amollissement des mœurs. Car, alors, ont-ils fait valoir, les individus laissent libre cours à leurs désirs particuliers et ne recherchent plus que des jouissances médiocres et mesquines. Et ils ont prétendu que, dans l’état de guerre, les hommes recouvraient leur santé morale en étant appelés à faire preuve des plus hautes vertus, jusqu’à celle du sacrifice de leur vie. Un tel discours ne repose que sur des propos dévoyés. La paix requiert plus de courage et de vertu que la guerre.

Vouloir la paix, c’est cultiver la paix en semant dans tous les jardins de la société des semences de non-violence. En commençant par les jardins des écoles où les petits d’homme apprennent à lire, à écrire, à penser et à vivre en société.

Défense civile non-violente

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