frencharabic 

Défense civile non-violente

Toute société doit être prête à se défendre contre les menaces d’agression qui pourraient porter atteinte à la dignité et à la liberté de ses membres. Jusqu’à présent, c’est par la préparation de la guerre que les sociétés ont cherché à assurer la paix. Dans quelle mesure est-il possible d’envisager une défense des sociétés qui repose sur les principes et les méthodes de la stratégie de l’action non-violente ?

Dans le cadre de la stratégie de la défense civile non-violente, le théâtre des opérations est constitué par la société avec ses institutions démocratiques et sa population. En réalité, l’invasion et l’occupation d’un territoire ne constituent pas les buts d’une agression ; elles ne sont que des moyens pour établir le contrôle et la domination de la société. Les objectifs les plus probables qu’un adversaire cherche à atteindre en occupant un territoire sont l’influence idéologique, la domination politique et l’exploitation économique.

Pour atteindre ces objectifs, un agresseur doit donc « occuper » la société ; plus précisément il lui faut « occuper » les institutions démocratiques de la société. Dès lors, les frontières qu’un peuple doit défendre avant tout pour sauvegarder sa liberté, ce ne sont pas celles du territoire, mais celles de la démocratie. En d’autres termes, le territoire dont l’intégrité garantit la souveraineté d’une nation, ce n’est pas celui de la géographie mais celui de la démocratie. Il en résulte que, dans une société démocratique, la politique de défense doit avoir pour fondement la défense de l’État de droit. La menace qui pèse sur la démocratie est d’abord engendrée par les idéologies fondées sur l’exclusion de l’autre homme – qu’il s’agisse du nationalisme, du racisme, de la xénophobie, de l’intégrisme religieux ou de toute doctrine économique fondée sur la recherche exclusive du profit.

Il convient donc de recentrer le débat sur la défense autour des concepts de démocratie et de citoyenneté. Si l’objet de la défense est la démocratie, l’acteur de la défense est le citoyen parce qu’il est l’acteur de la démocratie. Jusqu’à présent, au-delà des affirmations rhétoriques selon lesquelles la défense doit être « l’affaire de tous », nos sociétés n’ont pas su permettre aux citoyens d’assumer une responsabilité effective dans l’organisation de la défense de la démocratie contre les agressions dont elle peut être l’objet, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur. Tout particulièrement, l’idéologie sécuritaire de la dissuasion militaire a eu pour effet de déresponsabiliser l’ensemble des citoyens par rapport à leurs obligations de défense. Dès lors que la technologie précède, supplante et finit par évacuer la réflexion politique et l’investigation stratégique, ce n’est plus le citoyen qui est l’acteur de la défense, mais l’instrument technique, la machine militaire, le système d’armes.

Il importe donc que les citoyens se réapproprient le rôle qui doit être le leur dans la défense de la démocratie. Pour faire participer les citoyens à la défense de la société, il ne suffit pas de vouloir insuffler un « esprit de défense » à la population civile ; il s’agit de préparer une véritable « stratégie de défense » qui puisse mobiliser l’ensemble des citoyens dans une « défense civile » de la démocratie. Jusqu’à présent, la sensibilisation des citoyens aux impératifs de défense, y compris celle des enfants, s’est située dans le cadre étroit de l’organisation de la défense militaire. Cette restriction ne peut qu’entraver le développement d’une réelle volonté de défendre les institutions qui garantissent le fonctionnement de la démocratie. Pour que l’esprit de défense se répande réellement dans la société, il faut civiliser la défense et non pas militariser les civils. La mobilisation des citoyens pourra être d’autant plus effective et opérationnelle que les tâches proposées le seront dans le cadre des institutions politiques, administratives, sociales et économiques dans lesquelles ils travaillent quotidiennement. La préparation de la défense civile s’inscrit en totale continuité et en parfaite homogénéité avec la vie des citoyens dans les institutions où ils exercent leurs responsabilités civiques. L’esprit de défense s’enracine directement dans l’esprit civique qui anime leurs activités quotidiennes.

Face à toute tentative de déstabilisation, de contrôle, de domination, d’agression ou d’occupation de la société entreprise par un pouvoir illégitime, il est donc essentiel que la résistance civile des citoyens s’organise sur le front des institutions démocratiques, celles-là mêmes qui permettent le libre exercice des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire en garantissant les libertés et les droits de tous et de chacun. Il est de la responsabilité des citoyens qui exercent des fonctions dans ces institutions de veiller à ce que celles-ci continuent de fonctionner selon les règles de la démocratie. Il leur appartient donc de refuser toute allégeance à tout pouvoir illégitime qui, s’inspirant d’une idéologie antidémocratique, tenterait de détourner ces institutions à ses propres fins.

L’objectif ultime de tout pouvoir illégitime qui veut prendre le contrôle d’une société est d’obtenir, par la conjugaison de moyens de persuasion, de pression, de contrainte et de répression, la collaboration et la complicité objectives des citoyens, du moins du plus grand nombre d’entre eux. Dès lors, l’axe central d’une stratégie de défense civile est l’organisation du refus généralisé, mais sélectif et ciblé, de cette collaboration. On peut ainsi définir « la défense civile » comme une politique de défense de la société démocratique contre toute tentative de contrôle politique ou d’occupation militaire, mobilisant l’ensemble des citoyens dans une résistance qui conjugue, de manière préparée et organisée, des actions non-violentes de non-coopération et de confrontation avec tout pouvoir illégitime, en sorte que celui-ci soit mis dans l’incapacité d’atteindre les objectifs idéologiques, politiques et économiques par lesquels il prétend justifier son agression.

L’organisation de cette défense ne peut être laissée à l’initiative des individus. Il appartient aux pouvoirs publics de la préparer dans tous les espaces institutionnels de la société politique. Il importe donc que le gouvernement élabore des instructions officielles sur les obligations des fonctionnaires lorsqu’ils se trouvent confrontés à une situation de crise majeure où ils doivent faire face aux ordres d’un pouvoir illégitime. Ces instructions doivent souligner que les administrations publiques ont un rôle stratégique décisif dans la défense de la démocratie, ce rôle étant de priver tout pouvoir usurpateur des moyens d’exécution dont il a besoin pour mettre en œuvre sa politique.

Préparée au sein de la société politique, la défense civile doit l’être également au sein de la société civile dans le cadre des différentes organisations et associations créées par les citoyens pour se rassembler selon leurs affinités politiques, sociales, culturelles ou religieuses. Les réseaux formés par ces associations de citoyens qui occupent tout l’espace social du pays – et qui comportent principalement les mouvements politiques, les syndicats, les mouvements associatifs et les communautés religieuses – doivent pouvoir devenir, dans une situation de crise mettant la démocratie en danger, autant de réseaux de résistance.

La mise en œuvre institutionnelle de la défense civile non-violente par les pouvoirs publics se heurtera encore longtemps à de nombreuses pesanteurs sociologiques. L’État a d’abord besoin de l’armée pour lui-même, afin d’assurer sa propre autorité, de la maintenir et, au besoin, de la rétablir. Si la mystique militaire confesse une religion de la liberté, la politique militaire pratique avant tout une religion de l’ordre. Par ailleurs, l’État a trop le culte de l’obéissance pour ne pas éprouver une forte répugnance à ce qu’on enseigne aux citoyens à refuser d’obéir aux ordres illégitimes.

Ainsi, aujourd’hui comme hier, la mise en œuvre de la défense civile non-violente reste un véritable défi. Il ne serait pas raisonnable d’attendre des pouvoirs publics qu’ils l’organisent de la même manière qu’ils organisent la défense militaire, par un processus qui serait imposé du haut de l’État au bas de la société. Il appartient d’abord aux citoyens d’être eux-mêmes convaincus que cela est nécessaire pour la défense de la démocratie, c’est-à-dire, en définitive, pour la défense de leurs propres droits et de leur propre liberté. Ici comme ailleurs, chaque fois qu’il est d’abord et essentiellement question de la démocratie, la parole doit être et doit rester aux citoyens.

 

Dissuasion civile

Transarmement

 return a l'index

 

 ÇáÕÝÍÉ ÇáÃæáì

Front Page

 ÇÝÊÊÇÍíÉ

                              

ãäÞæáÇÊ ÑæÍíøÉ

Spiritual Traditions

 ÃÓØæÑÉ

Mythology

 Þíã ÎÇáÏÉ

Perennial Ethics

 òÅÖÇÁÇÊ

Spotlights

 ÅÈÓÊãæáæÌíÇ

Epistemology

 ØÈÇÈÉ ÈÏíáÉ

Alternative Medicine

 ÅíßæáæÌíÇ ÚãíÞÉ

Deep Ecology

Úáã äÝÓ ÇáÃÚãÇÞ

Depth Psychology

ÇááÇÚäÝ æÇáãÞÇæãÉ

Nonviolence & Resistance

 ÃÏÈ

Literature

 ßÊÈ æÞÑÇÁÇÊ

Books & Readings

 Ýäø

Art

 ãÑÕÏ

On the Lookout

The Sycamore Center

ááÇÊÕÇá ÈäÇ 

ÇáåÇÊÝ: 3312257 - 11 - 963

ÇáÚäæÇä: Õ. È.: 5866 - ÏãÔÞ/ ÓæÑíÉ

maaber@scs-net.org  :ÇáÈÑíÏ ÇáÅáßÊÑæäí

  ÓÇÚÏ Ýí ÇáÊäÖíÏ: áãì       ÇáÃÎÑÓ¡ áæÓí ÎíÑ Èß¡ äÈíá ÓáÇãÉ¡ åÝÇá       íæÓÝ æÏíãÉ ÚÈøæÏ