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Objection
de conscience
Dans le sens le plus usuel, mais restrictif,
l’objection de conscience signifie le refus d’accomplir le service militaire
ou d’être rappelé « sous les drapeaux ». Par elle-même,
l’expression suggère que ce refus se fonde essentiellement sur des
convictions personnelles qui mettent en avant l’exigence morale et/ou
religieuse qui prescrit le respect inconditionnel de la vie humaine,
interdit de verser le sang et donc de « porter les armes ». Pendant
longtemps, l’attitude des objecteurs de conscience a été sévèrement
condamnée par les États comme un délit d’incivisme, contraire au
devoir de la solidarité nationale qui s’impose à tout citoyen. Et les
opinions publiques elles-mêmes ne manquaient pas d’approuver cette
condamnation. Les réfractaires étaient alors accusés de faire preuve de lâcheté
en refusant d’assumer leurs responsabilités civiques. La reconnaissance du droit à l’objection de
conscience et l’octroi d’un statut légal à l’objecteur fut une avancée
significative de la civilisation. Cette reconnaissance est récente. Elle n’a
été obtenue qu’au terme d’une longue lutte qui a exigé beaucoup de
courage, beaucoup de sacrifices et beaucoup de souffrances de la part de ceux
qui l’ont entreprise alors qu’ils étaient traités comme des délinquants
et des parjures, jetés au ban de la société et emprisonnés. Pour autant, le
droit à l’objection de conscience n’est pas encore reconnu par tous les
États où se trouve maintenu le principe du service militaire
obligatoire. Au demeurant, même dans les pays où la conscription a été
supprimée, les citoyens sont en droit de revendiquer le bénéfice d’un
statut légal d’objecteur de conscience en signifiant ainsi leur refus d’être
enrôlés dans l’armée dans le cas où l’État déciderait de les
mobiliser. Dès lors que l’objection de conscience ne se réduit
pas à une contestation de l’armée de type antimilitariste et pacifiste, mais
qu’elle est fondée sur l’option de la non-violence, elle ne peut se limiter
à un simple refus individuel de porter les armes. En demandant à bénéficier
du droit à l’objection de conscience, le citoyen qui fait l’option de la
non-violence a « l’obligation de conscience » d’assumer ses
responsabilités civiques par d’autres moyens que ceux de la violence,
c’est-à-dire par ceux de l’action non-violente. Il appartient alors à l’État
de leur donner la possibilité d’effectuer, dans le cadre même du service
national, un service civil, de même durée que celle du service
militaire. Au cours de celui-ci, ils devront étudier les principes et les méthodes
de la stratégie de l’action non-violente, aussi bien de la défense civile
que de l’intervention civile, et se préparer à les mettre en œuvre
pratiquement. Dès le moment où il prend sa décision,
l’objecteur de conscience sait bien que des circonstances peuvent survenir où
l’État peut être amené à intervenir dans un conflit pour défendre
une cause juste, et qu’il le fera alors par les seuls moyens qui sont à sa
disposition, c’est-à-dire ceux de la force armée. Et il pense déjà que, étant
ce qu’elle est – la situation –, il vaut mieux que l’État
intervienne en recourant à la force des armes, plutôt qu’il ne se réfugie
dans une politique de « non-intervention » qui n’aurait d’autre
motivation que la lâcheté et d’autre conséquence que la liberté laissée
aux agresseurs de commettre leurs basses œuvres. Mais en décidant de devenir
objecteur de conscience, le citoyen choisit à l’avance de ne pas participer
lui-même à une telle intervention militaire. Il a la conviction qu’il sera
plus utile en recherchant les possibilités d’intervenir par les moyens
offerts par la stratégie de l’action non-violente. L’objection de conscience politique peut également
être le moyen de refuser de participer à une action militaire particulière
que l’on juge injuste et inacceptable, sans pour autant faire l’option de la
non-violence et refuser de recourir à la violence en toutes circonstances. Des
militaires eux-mêmes peuvent faire acte d’objection de conscience en refusant
de participer à une campagne de répression contre une minorité politique en
lutte pour la reconnaissance de ses droits. Ils peuvent également refuser de
recourir à des moyens qu’ils jugent illégitimes, comme la torture et les exécutions
sommaires de prisonniers. D’une manière plus générale, on peut parler
d’objection de conscience pour tout refus d’obéissance à une loi ou à un
ordre de la part d’un citoyen qui s’est convaincu, pour des motifs de
conscience que, s’il obtempérait, il se rendrait complice d’une injustice
caractérisée portant atteinte à la dignité humaine. Cette désobéissance
est commandée par une loi généralement non-écrite qui se trouve au-dessus
des lois écrites de la cité. Ne faudrait-il pas envisager que le droit à la désobéissance
pour des raisons de conscience soit inscrit dans la constitution ?
N’est-ce pas une exigence de la démocratie de définir une « clause de
conscience citoyenne » qui dispenserait l’individu d’obéir à une loi
qui comporte des obligations contraires à ses convictions ? Défense
civile non-violente
Désobéissance
civile
Intervention
civile
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