Esprit
de défense
L’un des effets les plus pervers de ce que,
pratiquement, la défense de la société soit confiée à une seule
institution, l’armée, est de déresponsabiliser et de démobiliser les
citoyen(ne)s par rapport au rôle essentiel qui devrait être le leur dans la
sauvegarde de la démocratie. Certes, la rhétorique officielle ne manque jamais
d’affirmer que la défense doit être « l’affaire de tous » et
que la défense militaire elle-même n’a de crédibilité que dans la mesure où
elle bénéficie de l’assentiment populaire. Mais « l’esprit de défense »
qui est ainsi requis des citoyen(ne)s s’apparente à l’acceptation passive
des choix opérés, au demeurant en dehors de tout réel débat démocratique,
par les états-majors politiques et militaires, et non à l’exercice d’une
responsabilité directe dans l’organisation de la défense de la société.
En réalité, la plupart des propos tenus
officiellement sur l’esprit de défense des citoyen(ne)s ont pour visée
essentielle de venir renforcer les liens entre l’Armée et la Nation. La
sensibilisation des civils aux impératifs de la défense se situe dans le cadre
étroit et inapproprié de l’organisation militaire. Cette restriction, à la
fois théorique et pratique, est de nature à entraver gravement le développement
de l’esprit de défense. Pour pouvoir réellement responsabiliser les
citoyen(ne)s à leur devoir de défense, il serait certainement plus opérationnel
de concevoir et d’organiser leur mobilisation dans le cadre des institutions
civiles qui assurent le fonctionnement démocratique de la société. Pour
stimuler l’esprit de défense des citoyen(ne)s, il faut civiliser la défense
et non pas militariser les civils. Il ne convient pas d’organiser la défense
civile à travers la décentralisation de l’organisation militaire, mais à
travers une « décentration » par rapport à elle et un « recentrage »
par rapport aux institutions civiles.
Il convient de corriger le langage d’idéalisme
moral qui tend à réduire le devoir de défense des citoyen(ne)s à un « esprit »,
c’est-à-dire un attachement aux « valeurs » qui fondent la
civilisation et la « volonté » de les défendre le jour hypothétique
où elles seraient menacées. Concrètement, il s’agit de défendre les
institutions politiques qui incarnent et historicisent ces valeurs, c’est-à-dire
les institutions de la démocratie qui garantissent les libertés individuelles
et collectives. En outre, il est vain d’attendre des citoyen(ne)s qu’ils
affirment leur volonté de défense si la société ne leur offre pas concrètement
les moyens de se défendre civilement. La population doit pouvoir se préparer dès
maintenant à mettre en œuvre une stratégie civile de défense face à un éventuel
agresseur – qu’il vienne de l’extérieur des frontières ou de l’intérieur
– en sorte que celui-ci se trouve dissuadé de mettre son projet à exécution.
L’esprit de défense pourra d’autant mieux
mobiliser les volontaires que les tâches proposées aux civils le seront dans
le cadre des structures administratives, sociales, économiques et politiques
dans lesquelles ils travaillent quotidiennement. La préparation de la défense
civile s’inscrit ainsi en totale continuité et en parfaite homogénéité
avec la vie des citoyen(ne)s dans les institutions où ils exercent leurs
responsabilités civiques. L’esprit de défense qui est requis d’eux
s’enracine directement dans l’esprit civique qui anime leurs activités
quotidiennes.
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