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La vague de félicité du libéré vivant Quand, dans la ville, il contemple le tableau bariolé des citadins, hommes
et femmes aux noms et formes variés, bien vêtus et parés avec des ornements
d’or et qu’il se délasse avec eux, en pensant en lui-même qu’il est pur
spectateur, le sage, dont l’ignorance a été abolie par la révélation de sa
nature véritable, n’est plus le jouet de l’illusion. Quand, dans la forêt, il regarde les cimes qui ploient sous leur fardeau de
feuilles et de fruits et qu’il entend les divers gazouillis des troupes
d’oiseaux cachés dans l’ombrage épais, n’ayant pour siège, la nuit
comme le jour, qu’une modeste surface au pied d’un arbre, le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il séjourne dans un temple, un autre jour dans un palais somptueux,
tantôt sur un rocher, une autre fois sur le bord d’une rivière, ou bien
quand il partage la hutte de quelque ascète éminent et paisible, le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il se récrée ici avec des enfants enjoués qui battent des mains, là
avec une femme jeune et jolie, quand il s’entretient avec des vieillards
chagrins, ou bien avec des hommes tout différents, le sage, dont l’ignorance
a été abolie par la révélation de sa nature véritable, n’est plus le
jouet de l’illusion. Quand il s’entretient avec des érudits qui savourent sans fin les délices
du savoir, ou bien avec les meilleurs poètes ayant sur les lèvres l’essence
même de l’art poétique, à d’autres moments avec d’excellents logiciens
épris de déductions, le sage, dont l’ignorance a été abolie par la révélation
de sa nature véritable, n’est plus le jouet de l’illusion. Quand, par la pratique assidue de la méditation, le cœur débordant, il
accomplit un culte divin avec des fleurs appropriées épanouies et très
odorantes ou avec des feuilles parfaitement immaculées, l’esprit réjoui,
tout entier à la louange, le sage, dont l’ignorance a été abolie par la révélation
de sa nature véritable, n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il récite les noms de Celle qui est favorable aux êtres, de Celui
qui confère la tranquillité, ou de Celui qui imprègne tout, ou quand il récite
celui du Conducteur de la troupe divine, ou de Celui qui manifeste l’univers,
et que la béatitude inonde ses yeux de larmes, le sage, dont l’ignorance a été
abolie par la révélation de sa nature véritable, n’est plus le jouet de
l’illusion. Quand il se purifie dans les flots du Gange, quand il utilise l’eau d’un
puits ou d’un étang, que cette eau soit froide ou tiède et agréable, ou
quand son corps couvert de cendres est pareil à du camphre, le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il est occupé avec les objets et les sens de l’état de veille,
quand il s’envole dans le rêve et qu’il jouit de ses objets, ou quand il
perçoit la félicité ininterrompue du sommeil profond, le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il est nu, quand il est vêtu comme un dieu, ou quand il porte autour
des reins une peau de bête, magnanime, sans soucis, causant la joie dans le cœur
de ses proches, le sage, dont l’ignorance a été abolie par la révélation
de sa nature véritable, n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il est établi en sattva, quand, toujours à l’aise, il est
en contact avec la nature de rajas, ou celle de tamas, ou quand,
il s’affranchit de ces trois modalités cosmiques, toujours pur, tantôt dans
le courant de l’existence conditionnée, tantôt se prélassant dans le
sentier de la révélation, le sage, dont l’ignorance a été abolie par la révélation
de sa nature véritable, n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il garde le silence ou quand il se montre enclin à parler, quand sa félicité
intime le fait rire aux éclats ou suspend sa voix, ou bien quand il examine
avec intérêt quelque affaire mondaine, le sage, dont l’ignorance a été
abolie par la révélation de sa nature véritable, n’est plus le jouet de
l’illusion. Quand il verse des gorgées de vin subtil dans les bouches en lotus épanouies
des shaktis, ou quand il en absorbe lui-même avec sa bouche, montrant
ainsi que le mien et le tien n’entachent pas la nature non-duelle, le sage,
dont l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il prend plaisir à fréquenter les fidèles de Shiva ou de sa Shakti,
quand il vit parmi les adorateurs de Vishnu, parmi ceux de Sūrya ou ceux de
Ganesha, débarrassé par la non-dualité de tout ce qui divise, le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il perçoit la pure Essence à travers la variété innombrable des
qualités et des distinctions, tantôt revêtu d’une forme, tantôt sans
forme, cette Essence qui est la sienne et celle de Shiva, quand devant cette
merveille il s’écrie « Qu’est cela ? », le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Quand il perçoit la dualité toute entière comme étant aussi la vérité,
comme étant le devenir de l’Être, selon la grande parole dont il a
parfaitement compris et médité les acceptations profondes, quand, une fois
disparue l’illusion de la dualité non unifiée, il répète sans cesse
« Shiva ! Shiva ! Shiva ! », le sage, dont
l’ignorance a été abolie par la révélation de sa nature véritable,
n’est plus le jouet de l’illusion. Celui-là jouit sans relâche de la délivrance, complètement établi dans
la réalité suprême de l’Être, où il est parvenu rapidement grâce au
regard compatissant de son guru, tel le nectar, plongeant et replongeant
dans le lac de la béatitude innée. Sa conduite étant parfaite, il est le
meilleur d’entre les hommes, le poète le proclame un vrai renonçant, un yogi
accompli, un authentique prophète. ***
*** *** Traduction
de René Allard ©OmAlpha |
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