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Comment traduire des textes ardus : l’exemple de
Marcel Proust[1] Des vagues de sentiments contradictoires viennent déferler sur moi chaque
fois que je réfléchis à la finalité de la traduction. D’une part, je
constate que les écrivains arabes sous-estiment les traducteurs, les regardent
d’un air hautain, directement ou indirectement, et que les maisons d’édition
qui se ruent sur les textes traduits ne font pas grand cas de l’effort prodigué
par le traducteur, ni du temps qu’il a consacré à la traduction. D’autre
part, je me rends compte que les peuples qui se distinguent des autres par le
nombre d’ouvrages traduits sont les plus ouverts au monde, les plus développés
et, partant, les plus civilisés. Je constate également que de nombreux grands
écrivains se sont attelés à la traduction, joignant ainsi les deux arts,
parmi lesquels on peut citer dans la littérature arabe Rifā‘a al-Tahtāwī,
Farah Antoun, Tāha Hussein, Adonis, Naguib Mahfouz, Jabra Ibrahim Jabra,
Ghassān Kanafānī, Édouard al-Kharrāt et bien
d’autres encore ; et dans la littérature française, Charles Baudelaire,
Stéphane Mallarmé, André Gide, Yves Bonnefoy et… Marcel Proust, dont je
m’arrêterai au parcours de traducteur. 1. Proust traducteur et écrivain Nous ne pouvons évoquer le Proust traducteur qu’au travers d’une ville
qu’il a tant adoré : Venise. Lorsqu’il la visita pour la première
fois en 1900, il s’était déjà imprégné des théories esthétiques exposées
par John Ruskin dans ses deux livres sur la ville : Stone of Venice
et St Mark’s Rest. Proust y trouva son compte, inconsciemment peut-être :
la vérité sur l’art et la ville à mystères, qui fut sa grande passion et
qui le lui rendit bien. En dépit de toutes ses lacunes en anglais, Proust se
mit à traduire deux ouvrages importants de Ruskin : la Bible d’Amiens,
qu’il commença à traduire en 1899 et publia en 1904, et Sésame et les
lys, dont la traduction dura deux ans (il fut publié en 1906). Au travers de ce pénible processus, qui nécessita son recours à l’aide
de sa mère et d’une amie anglaise (Mary Nordlinger), Proust tenta de
triompher dans son combat acharné contre la langue, ou plutôt contre les deux
langues anglaise et française, voulant construire sa propre Tour de Babel,
pierre après pierre, assise après assise. Ceci fit de lui un amoureux de
l’herméneutique des textes difficiles et dédaléens, un passionné des mystères
du langage et des transmigrations des sens d’une langue à une autre. Il fut
amené à décrire minutieusement son immersion dans les abîmes de la langue et
la nuée des sens et sa tentative de saisir les idées sous-jacentes. Proust s’enamoura des sens inaccessibles à l’entendement à la fois du
lecteur et du traducteur. Il s’éprit des dédales de la langue et des formes
de ses mirages. Le sens brille devant le traducteur migrateur, et le texte dont
Proust s’éprend le plus est celui qui se prête à plus d’une interprétation.
Ainsi la traduction devient à la fois quête et enquête dans le monde des sèmes.
D’où le titre de son « heptade » : À la recherche
du temps perdu, le mot « recherche » ici ne signifiant pas
uniquement l’entreprise d’une recherche, mais surtout l’atteinte du but à
l’issue d’une quête pénible. Il signifie également s’établir dans un
sens après avoir enduré sa quête et arriver à l’articuler, guidé par les
signaux qu’il émet. Après l’ascèse de la traduction qui dura sept ans de la vie de Proust,
éprouvé, d’une part, par la difficulté du texte ruskinien et par les
lacunes conséquentes qu’il sentait en lui en s’adonnant à la langue
anglaise, d’autre part, il se mit à la recherche d’une théorie esthétique
se fondant sur les significations brumeuses et les sens équivoques. Durant
cette ascèse, Proust misa sur le lyrisme de la traduction et sur une technique
qui consiste à engendrer le sens du sein de la langue initiale et le
positionner dans l’espace de sa langue maternelle. C’est comme si elle
s’adressait à lui en ces termes : « Ne crains pas de te perdre
dans mes abîmes, tu es mien et je suis tienne ! » Ainsi
l’obsession de la traduction hanta Proust ; elle était constamment présente
et pressante, jusqu’à sa mort. Par « traduction » ici je ne
n’entends pas une simple « translation » de mots d’une langue à
une autre, mais plutôt la « transposition » des idées en les
extrayant de l’obscurité de la formation à la lumière de la forme, du sein
d’une mer ténébreuse et tumultueuse à une terre sûre, de la genèse de
l’embryon dans les viscères à l’enfantement, quelle que soit la difficulté
d’une telle opération. Je dois dire ici que tout l’enjeu du programme traductique de Proust est
de rendre les subtilités sémantiques et les anglicismes. Il se fonde notamment
sur la réécriture et l’assimilation du texte initial, de manière qu’il se
défasse de son dépaysement et s’intègre à la langue que Proust lui a voulu.
Cette « langue » n’est pas la langue dictionnairique, ni celle
imposée par l’Académie Française, mais la langue réinventée, palpitante,
verdoyante, rayonnante, que Proust a voulu faire sienne. Un traducteur chevronné
et un écrivain créatif est celui qui possède « le don des langues »,
pénètre les secrets du texte (le « décode », dirions-nous de nos
jours) et prête l’oreille aux « voix » qui s’en dégagent. Le
voici qui dit dans une relation épistolaire : « S’il reste
quelques erreurs dans ma traduction, on les retrouve dans les parties claires et
faciles ; j’ai longuement réfléchi aux parties ambiguës, les ayant
revues à maintes reprises et creusées de longues années durant.[3] » Aux yeux de Proust, une traduction singulière est celle qui élucide les
sens, sans pour autant prétendre monopoliser la solution unique, absolue, qui
s’impose et s’acharne à s’imposer. L’expérience du Mystère (ou de la
« Nébuleuse », selon l’expression de Proust) est la plus riche,
la plus lumineuse. Elle est comparable à l’illumination qu’ont connue les
grands mystiques et les visionnaires. 2. À la recherche de Proust Ayant rendu Ruskin, Proust s’est employé, dans son « heptade »,
à « se rendre » lui-même à la première personne. On dirait que,
par ce passage de la traduction de l’autre (Ruskin) à la traduction du moi
(Proust), il se libère de l’emprise du texte ruskinien et se donne libre
cours, si l’on peut dire. Mais cette émancipation n’est qu’illusoire, car
Proust demeure, au fin fond de lui-même, influencé par cette expérience
qu’il continua à exercer, même après avoir achevé de traduire Ruskin. Un
est le Secret de l’écriture, que ce soit dans la traduction ou dans la rédaction.
Le « secret » de Venise, tel que révélé par Ruskin, s’est
incarné dans la Venise que Proust fréquenta et décrit dans Albertine
disparue. Autrement dit, Proust transpose les fragments de la mosaïque
ruskinienne sur la toile où il se peint lui-même et dépeint le monde, ne
faisant que changer leurs emplacements. Il constitua toujours l’un des angles
du triangle de la traduction,
même après que son expérience de la traduction de Ruskin sombra dans
l’oubli. a. Visité par le fantôme de Proust : J’ai reçu, il y a quatre ans d’ici, une communication téléphonique du
Centre Français de Culture et de Coopération au Caire, me proposant
d’achever la traduction des sixième et septième volumes de la Recherche,
suite au décès de feu Élias Bdéoui, à qui l’on doit la traduction
vers l’arabe des cinq premières parties de l’« heptade ». Ma
première réaction fut une appréhension, sachant pertinemment que le texte est
ardu, voire rébarbatif pour certains, et que mon prédécesseur était l’un
des plus grands traducteurs que le monde arabe ait connus, n’étant moi-même
qu’un apprenti qui lui doit beaucoup. De plusieurs années mon aîné, nous
avons fait nos études dans la même école au Liban et avons fait souvent équipe
en traduction simultanée. J’étais fasciné par sa présence d’esprit, sa
compétence et sa pétillante intelligence qui lui permettaient de contourner
les embûches auxquelles se trouve confronté tout traducteur simultané. Après
plusieurs jours de réflexion, je me suis dit : Accepte et poursuis le
projet commencé par Élias Bdéoui, car c’est ainsi que tu lui rendras
hommage. Albertine disparue fut publiée en 2003, suivie du dernier volume, Le
temps retrouvé, fin 2005. Dans ces deux parties, j’ai retenu le titre général
choisi par mon prédécesseur, La recherche du temps perdu, tout en
sachant que la préposition « à » au début du titre porte une
valeur atténuante, comme si Proust voulait dire qu’il ne cherchait pas le
temps perdu, mais était en train de le chercher (À la recherche du
temps perdu). J’ai rédigé une introduction de cinq pages que j’ai insérée
au début de la septième partie, et qui fut reprise par Akhbār al-Adab
(la « Gazette littéraire » d’Égypte et du monde arabe) le
22 janvier 2006 pour son dossier consacré à Proust à l’occasion de l’achèvement
de la traduction arabe. L’« heptade » fut publiée par la maison d’édition Sharqiyyāt
au Caire. Feu Élias Bdéoui avait préfacé la première partie d’une
longue étude (70 pages) de la plume du Professeur Jean-Yves Tadié, le plus
grand spécialiste de Proust, et avait annotée l’œuvre. J’ai, pour ma
part, multiplié les notes dans les deux parties traduites par moi (plus de 200
notes). L’édition cairote comprend 2268 pages. Le texte français compte à
peu près six millions de caractères. Le texte arabe serait-il plus compact ?
Je le crois, par intuition, sans avoir recours aux dénombrements précis
effectués sur le texte français. Il convient de signaler, en l’occurrence, une étude d’Étienne
Brunet publiée en 1983 qui s’intitule Vocabulaire de Proust. Il
s’agit d’un inventaire du lexique figurant dans l’« heptade »,
que l’auteur a comparé au lexique des contemporains de Proust. Il en ressort,
par exemple, que le mot « temps » figure 1637 fois dans l’« heptade »
et que Proust a usé de 42.707 mots communs et de 2.976 noms propres, dont la fréquence
atteint 1.267.069 fois. Il en ressort également que l’apogée de la variation
des vocables est atteinte dans les parties IV et V de l’œuvre (Sodome et
Gomorrhe et La prisonnière). Quant à la dernière partie, c’est
celle qui est la plus parcimonieuse en termes de vocabulaire. Brunet établit,
par exemple, que la phrase proustienne est deux fois plus longue que celle des
lettrés de son temps (30 mots en moyenne). L’étude démontre l’affection
toute particulière que Proust voue aux mots usagers de la société bourgeoise
et aristocrate de son temps, tels : « hôtel », « plage »,
« mer », « barrage », « falaise », « clocher »,
« rose », « rosace », etc. Elle démontre également
l’intérêt de Proust pour le registre sentimentale, sensuel et psychologique.
L’étude constate que le mot « femme » apparaît plus souvent que
le mot « homme » et que Proust use rarement de mots réservés à la
mort et à l’agonie. De même pour ce qui est du vocabulaire religieux,
ouvrier et scolaire. Brunet a aussi observé l’usage des verbes dans le texte,
constatant que l’imparfait, prédominant dans le texte, est le temps du récit
par excellence chez Proust. Il a également recensé les noms propres, trouvant
que le prénom « Albertine » figure 2.360 fois, suivi de « Charlus »
(1.294 fois) et « Saint-Loup » (791 fois). Il constate que les noms
des trois artistes ont presque la même fréquence : Bergotte, 299 fois,
Elstir, 295 fois, et Vinteuil, 302 fois. Il trouva que Proust use rarement de
mots relevant de la technique ou de mots pompeux appartenant au registre de la
gloire, la grandeur, l’honneur et l’héroïsme. Tout ceci pour dire que
l’informatique peut offrir d’éminents services à la critique littéraire
et que l’ordinateur et un outil respectable qui contribue à confirmer
l’intuition et à l’asseoir sur de solides bases scientifiques et
objectives. b. Proust en langue arabe : L’arabe peut-il rendre un texte aussi ardu que celui de Proust ? Théoriquement,
on pourrait dire que l’arabe est une langue flexible qui se prête
admirablement à un tel exercice. Si l’on veut que sa phrase soit extrêmement
confuse, on le peut ; et si on la veut extrêmement claire, on le peut également.
De plus, il s’agit d’une langue qui a accumulé d’énormes possibilités
durant une longue histoire de quinze siècles, tant et si bien qu’elle est
capable non seulement d’exprimer aussi précisément qu’elle le souhaite et
aussi métaphoriquement qu’elle le désire, mais excelle aussi dans
l’expression de la sensualité et des différents états psychologiques. Si
elle est peut-être pauvre en terminologie scientifique moderne, relevant des
domaines de la conquête de l’espace, du futurisme, des télécommunications
modernes, de l’informatique et de l’énergie nucléaire, en revanche, elle
brille par son ingéniosité et sa richesse dans les domaines qui expriment les
émotions et les sentiments humains. D’où l’abondance de ses productions
littéraires lyriques de tous genres. Cette situation privilégiée qui est la
sienne offre de nombreuses possibilités qui la rendent apte à assimiler le
texte proustien, même si cela s’avère quelquefois difficile. Quand Proust s’absorbe dans l’analyse de ses sentiments contradictoires
et se noie parfois dans ses pulsions (il souffre, d’une part, de l’abandon
d’Albertine, son plus grand amour, et lutte, d’autre part, contre son
amour-propre qui se refuse à la supplier de revenir), il plonge à l’extrême
dans l’analyse de ses sentiments contradictoires. L’arabe est capable, peut-être
plus que le français, d’exprimer ces états, ainsi que toutes leurs
ramifications. Or voici Jabra Ibrahim Jabra et Édouard al-Kharrāt
utilisant parfois une langue qui ressemble à la langue proustienne, à ses élans,
ses hésitations, ses balbutiements, ses appréhensions, ses pressentiments, ses
intériorisations, ses exclamations et ses questionnements. Ces deux écrivains
arabes ont pu plonger dans les bas-fonds de l’âme humaine perplexe, pas forcément
accessibles à la logique d’Aristote, de Descartes ou de Kant. De plus, ils
usent parfois, à dessein, de phrases dédaléennes, si bien que le lecteur est
incapable, au début tout au moins, d’en sortir. Il s’agit du parcours de Thésée
dans le Labyrinthe du Minotaure. Le système étymologique de l’arabe est
d’une richesse inouï, ce qui en fait une langue vivante et actuelle. Peut-on traduire Proust limpidement en arabe ? J’ose l’affirmer.
D’autant plus que son espace romanesque recoupe souvent l’espace oriental.
J’ai eu cependant à affronter, en le traduisant, de nombreuses difficultés.
Je tombais assez souvent sur des phrases longues de 35 lignes, ne sachant pas au
départ par où commencer, devant lire la phrase deux, voire trois fois. En règle
générale, je découpais ces phrases interminables en deux phrases ou plus.
J’ai eu parfois du mal à identifier les référents des pronoms compléments
« lui » et « leur », car leur équivalents arabes
varient en genre et en nombre (duel et pluriel). Lorsque le texte se prêtait à
plus d’une interprétation, je m’arrêtais pour jauger les interprétations,
avant d’opter enfin pour celle que j’espérais la plus heureuse. Quant aux difficultés concernant les renvois historiques, artistiques,
intellectuels ou civilisationnels en général, je les surmontais en me référant
aux dictionnaires, encyclopédies et références spécialisés. En règle générale,
ce type de difficultés s’avérait moins périlleux que les autres. Confronté à des phrases floues ou « nébuleuses », je
questionnais à leur sujet mes amis chercheurs à l’IFPO. À ma grande
surprise, ils trouvaient rarement des solutions, car les nouvelles générations
en France redoutent la lecture de Proust. Quant aux « vétérans »,
ils me proposaient souvent des solutions peu convaincantes. Je procédais alors
à la segmentation de la phrase dans l’espoir de trouver une solution, pour
trancher enfin pour une issue que je jugeais plus logique que d’autres. Proust est passé maître dans le déclenchement et l’animation et de sa
phrase. Elle est tantôt elliptique, tantôt circulaire, tantôt rectiligne, dépourvue
de toute sinuosité ; elle est parfois escarpée, semblable aux reliefs
d’une terre où les volcans ont laissé de nombreuses saillies et crevasses.
Face à elle, on est d’abord désemparé, bouche bée. Puis, si par bonheur on
en trouve la clé, on peut démêler ses différentes lignes. Ce qui m’a poussé
à entreprendre cette traduction est l’admiration que je voue au génie de cet
homme que l’on nomme « l’ange des ténèbres »[4]. J’ai dû réviser la traduction trois ou quatre fois : les deux premières
fois en ayant les textes arabe et français sous les yeux ; la troisième
en ayant recours au texte français en cas de besoin ; quant à la dernière
relecture, je l’entrepris afin d’améliorer la version arabe, de manière à
donner l’impression que mon texte fut rédigé directement en arabe et à en
faire disparaître les traces de la traduction. Afin d’illustrer mon propos, je vous propose, en français et en version
arabe, un passage extrait de la fin de l’« heptade » où
l’auteur décrit les vicissitudes du temps qui affectent la vie humaine : « Certains hommes, certaines
femmes ne semblaient pas avoir vieilli, leur tournure était aussi svelte, leur
visage aussi jeune. Mais si pour leur parler on se mettait tout près de la
figure lisse de peau et fine de contours, alors elle apparaissait tout autre,
comme il arrive pour une surface végétale, une goutte d’eau, de sang si on
la place sous le microscope. Alors je distinguais de multiples taches
graisseuses sur la peau que j’avais crue lisse et dont elles me donnaient le dégoût.
Les lignes ne résistaient pas à cet agrandissement. Celle du nez se brisait de
près, s’arrondissait, envahie par les mêmes cercles huileux que le reste de
la figure ; et de près les yeux rentraient sous des poches qui détruisaient
la ressemblance du visage actuel avec celle du visage d’autrefois qu’on
avait cru retrouver. De sorte que, à l’égard de ces invités-là, ils étaient
jeunes vus de loin, leur âge augmentait avec le grossissement de la figure et
la possibilité d’en observer les différents plans ; il restait dépendant
du spectateur, qui avait à se bien placer pour voir ces figures-là et à
n’appliquer sur elles que ces regards lointains qui diminuent l’objet comme
le verre que choisit l’opticien pour un presbyte ; pour elles la
vieillesse, comme la présence des infusoires dans une goutte d’eau, était
amenée par le progrès moins des années que, dans la vision de l’observateur,
du degré de l’échelle. » (p. 249-250) æáã ÊÈÏõ
ÇáÔíÎæÎÉ Úáì ÈÚÖ ÇáÑÌÇá æÈÚÖ ÇáäÓÇÁ¡ ÝÈÞíÊú ÇÓÊÏÇÑÊåã æÇÓÊÏÇÑÊåä ããÔæÞÉ¡ æÈÞíÊú
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ÏÇÎá äÞØÉ ãÇÁº æáã ÊäÌã
ßËíÑðÇ Úä ÇáÊÞÏã Ýí ÇáÓä¡ Èá Úä ÇáÊÞÏã Ýí ÏÑÌÇÊ ÇáÓáøóã¡ ßãÇ
íÑÇåÇ ÇáãõÑÇÞÈ. (Õ 209) Je vais conclure ce témoignage par une citation d’Elsa Triolet sur la
traduction : « La traduction… Travail pénible,
épuisant, irritant, désespérant. Travail enrichissant, nécessaire aux hommes,
qui exige de l’abnégation, des scrupules, de l’honnêteté… Et, évidemment,
du talent. » Damas,
31 décembre 2006 ***
*** *** [1]
Je tiens à remercier mon ami Dimitri Avghérinos qui a fait le premier jet
de cette traduction. (J.C.) [2]
Titulaire d’un doctorat de littérature comparée auprès de l’université
Sorbonne Nouvelle, Jamal Chehayed est chercheur et professeur de lettres
modernes à l’IFPO. Critique littéraire, il est également responsable
des enseignements du Diplôme Universitaire de Traduction Français-Arabe (DUTFA)
au CCF de Damas. Il a publié plusieurs ouvrages en français et en arabe,
dont : Le Structuralisme génétique, Le Discours de la
modernité en littérature, La Conscience historique dans l’œuvre
d’Émile Zola et celle de Naguib Mahfouz. Son travail de
traducteur l’a amené à explorer l’œuvre de Jabra Ibrahim Jabra et de
Hanan al-Cheikh. Il s’intéresse aux principes de la traduction
proustienne (Á la recherche du temps perdu, vols. VI et VII). [3]
Correspondance de Proust, vol. 3, p. 221. [4]
Cf. Giovanni Maccia, L’ange de la nuit, Gallimard, Paris, 1993.
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