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Vigilance
L’action de vigilance consiste à se tenir
silencieusement en un lieu public afin de protester contre une situation
d’injustice et d’interpeller à son sujet l’opinion et les pouvoirs
publics. L’attitude corporelle des manifestants, qui se tiennent généralement
debout, immobiles et silencieux, veut signifier leur entière détermination à
témoigner en faveur de la justice et de la vérité. L’action peut être
entreprise par une personne seule ou par un groupe. Le lieu doit être choisi en
fonction de son lien symbolique avec l’injustice que l’on veut dénoncer.
L’importance de sa fréquentation par le public doit être prise en compte,
mais cet élément n’est pas forcément décisif. Pour protester contre
l’emprisonnement arbitraire dʼopposants, il peut être plus efficient
d’organiser une action de vigilance devant la prison plutôt que dans un lieu
plus fréquenté mais moins symbolique. C’est le facteur temps qui donne toute sa force à
une action de vigilance. Lʼimpact dʼune présence immobile et
silencieuse en un lieu public dépend à la fois de sa durée et de sa régularité.
L’une et l’autre doivent être décidées en fonction de la gravité de
lʼinjustice dénoncée et de l’urgence de rendre justice à ceux qui en
sont les victimes. Au milieu des gens qui se pressent et s’affairent
dans les rues, l’inattendu arrive qui suscite d’abord étonnement, surprise :
des femmes et des hommes ont décidé de prendre le temps de s’arrêter de
courir, de marcher, de parler. Dans ce silence imprévisible peut naître le
silence interrogateur qui invite à la réflexion. Ce silence qui vient de la
conscience et parle à la conscience est ouverture à l’humanité de l’homme. Si les circonstances l’exigent, l’action de
vigilance peut être menée de façon permanente, de nuit comme de jour, en
organisant un relais entre plusieurs personnes. Dans d’autres circonstances,
elle peut être organisée toutes les semaines, à la même heure et au même
endroit, tout au long de l’année. Des « heures de silence »
peuvent être organisées au même moment dans plusieurs villes, avec la même périodicité. Pour informer le public, les manifestants peuvent
porter des panneaux, des chasubles ou des banderoles qui expliquent de la manière
la plus simple et la plus pédagogique les raisons de l’action et son
objectif. D’autres manifestants peuvent distribuer des tracts et proposer des
documents plus importants sur une table de presse, en se tenant prêts à
dialoguer avec le public. Mais ces interventions auprès des passants doivent
rester discrètes, accompagnant la présence de ceux qui assurent une vigilance
silencieuse, sans la supplanter. Pour combattre une injustice, il est parfois
plus convaincant de protester de tout son silence plutôt que par des paroles ou
des textes. Les manifestants peuvent tenir ou disposer alentour des bougies
allumées. La flamme fragile d’une bougie est un symbole fort, signifiant
l’espérance que la lumière peut résister aux ténèbres. Venir ainsi s’exposer sur la place publique afin de
porter témoignage et d’exprimer les exigences de la justice est une action
simple, mais elle n’est pas pour autant une action facile. Elle demande
beaucoup de détermination de la part de ceux qui s’y impliquent. Ils peuvent
devoir faire face à des réactions agressives de la part de certains passants.
Ceux qui ont pris une attitude silencieuse doivent s’efforcer de ne pas répondre
aux provocations. Ceux qui sont chargés des contacts avec le public peuvent
tenter de s’interposer calmement afin d’éviter tout affrontement. Les
manifestants peuvent également être confrontés aux forces de police qui
voudront faire cesser l’action. Il conviendra alors de « tenir »
le plus longtemps possible et de ne quitter les lieux que contraints et forcés. Dans la même perspective, peut être établie une
« maison de vigilance » à proximité dʼun lieu qui symbolise
une situation jugée inacceptable et sur laquelle on veut interpeller
l’opinion publique. Il s’agit alors pour ceux qui y vivent de déposer les
germes d’une résistance non-violente en témoignant quotidiennement pour
signifier que l’espérance est plus forte que la fatalité. |
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