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Médiation

La médiation est l’intervention d’un tiers, d’une tierce personne qui s’interpose dans l’entre-deux des protagonistes d’un conflit. Le tiers vient se mettre au milieu de deux ad-versaires – deux personnes, deux communautés ou deux peuples – qui se font face et sont tournés l’un contre l’autre. La médiation vise à faire passer les deux protagonistes de l’ad-versité (du latin ad-versari : « être tourné contre ») à la con-versation (du latin con-versari : « se tourner vers »), c’est-à-dire à les amener à se tourner l’un vers l’autre pour se parler, se comprendre et, si possible, trouver un compromis qui ouvre la voie à la conciliation, sinon à la réconciliation. Le médiateur veut s’efforcer d’être un « tiers pacifiant ». Par son interposition, il rompt la relation « binaire », celle de deux adversaires s’affrontant sourdement et aveuglément, pour établir une relation « ternaire », à travers laquelle ils pourront communiquer par l’entremise d’un intermédiaire. Dans la relation binaire qu’entretiennent les adversaires, deux discours, deux raisonnements, deux logiques s’affrontent sans qu’aucune communication ne puisse permettre une reconnaissance et une compréhension réciproques. Il s’agit de passer d’une logique de compétition binaire à une dynamique de coopération ternaire.

Une médiation ne peut être entreprise que si l’un et l’autre des deux adversaires acceptent de s’impliquer volontairement dans cette démarche de conciliation. Certes, la médiation peut leur être suggérée, conseillée, recommandée, mais elle ne peut pas leur être imposée. Choisir la médiation, c’est, pour chacun des deux adversaires, comprendre que le développement de leur hostilité ne peut que leur être préjudiciable et qu’ils ont tout intérêt à tenter de trouver, par un accord amiable, une issue positive au conflit qui les oppose. L’entrée en médiation implique que les deux parties concluent un armistice (du latin arma, « arme » et sistere, « arrêter ») : chacune s’engage à renoncer à tout acte d’hostilité envers l’autre pendant la durée de la médiation.

Le médiateur n’est pas « neutre ». Selon son étymologie latine (ne, ni et uter, l’un des deux), le mot neutre signifie « ni l’un ni l’autre », « aucun des deux ». Ainsi, en cas de conflit international, un pays « neutre » est celui qui ne prend parti pour aucun des deux adversaires, qui n’accorde son soutien et n’apporte son aide à aucun d’entre eux et reste en dehors du conflit. Or, précisément, le médiateur n’est pas celui qui ne prend parti pour « aucun des deux » adversaires, mais celui qui prend parti pour « tous les deux ». Il accorde son soutien et apporte son aide aux deux parties en présence. Il s’engage aux côtés de l’un, puis aux côtés de l’autre : il s’engage deux fois, il s’implique deux fois, il prend deux fois parti. Mais son double parti pris n’est jamais inconditionnel ; il est chaque fois un parti pris de discernement et d’équité. En ce sens, le médiateur n’est pas neutre ; il est équitable : il s’efforce de donner à chacun selon son dû. C’est ainsi qu’il pourra gagner la confiance des deux adversaires et favoriser le dialogue entre eux.

Le médiateur n’a pas pour fonction de prononcer un jugement ni d’énoncer une condamnation. Il n’est ni un juge qui donne raison à l’un contre l’autre, ni un arbitre qui sanctionne la faute de l’un contre l’autre. Il est un intermédiaire qui s’efforce de rétablir la communication entre l’un et l’autre pour parvenir à une conciliation de l’un avec l’autre. Le médiateur n’a aucun pouvoir de contrainte qui lui permettrait d’imposer une solution aux protagonistes d’un conflit. Le postulat majeur sur lequel se fonde la médiation, c’est que la résolution d’un conflit doit être principalement l’œuvre des protagonistes eux-mêmes. La médiation vise à permettre aux deux adversaires de s’approprier « leur » conflit afin qu’ils puissent coopérer pour le gérer, le maîtriser et le résoudre ensemble. Le médiateur est un « facilitateur » : il facilite la communication entre les deux adversaires afin qu’ils puissent s’exprimer, s’écouter, se comprendre et parvenir à un accord.

La médiation veut d’abord séparer deux adversaires qui se battent, pour ensuite les réunir afin qu’ils se parlent. Elle veut leur permettre de passer du « corps à corps » au « face à face ». Le « tiers » médiateur s’efforce de créer un « espace intermédiaire » qui introduise une distance entre les adversaires en sorte que chacun puisse prendre du recul par rapport à lui-même, par rapport à l’autre, par rapport au conflit qui les oppose, les blesse et les meurtrit. La création de cet espace permet la communication. L’espace intermédiaire est un espace de « récréation » dans lequel les deux adversaires vont pouvoir se reposer de leur conflit et « re-créer » leurs relations dans une démarche apaisée et constructive.

La médiation commence généralement par des entretiens préliminaires séparés avec chacune des deux parties. Ces entretiens permettent aux personnes impliquées dans le conflit de s’exprimer dans un climat de confiance. Le médiateur ne dirige pas un interrogatoire suspicieux, mais il conduit un questionnement respectueux. Son propos est de comprendre son interlocuteur, mais aussi et surtout de lui permettre de mieux se comprendre, de l’aider à réfléchir sur lui-même, sur son attitude dans le conflit. Le médiateur pratique en quelque sorte l’art de la maïeutique (du grec maieutikê qui signifie l’art d’accoucher quelqu’un), c’est-à-dire qu’il aide ses interlocuteurs à « accoucher » de leur propre vérité. La qualité d’écoute du médiateur s’avère ici déterminante dans la réussite de son entreprise. Celui qui se sent écouté se sent déjà compris. Il peut alors se confier et non seulement raconter les faits, du moins sa version des faits, mais aussi, et c’est plus important, exprimer son « vécu ». Pour dénouer le nœud d’un conflit, il ne suffit pas d’établir la vérité objective des faits ; il faut surtout appréhender la vérité subjective des personnes, avec leurs émotions, leurs désirs, leurs frustrations, leurs ressentiments et leurs souffrances. Chacun peut alors identifier les sentiments qui le font agir. L’écoute active du médiateur a déjà, par elle-même, un effet thérapeutique qui commence à guérir son interlocuteur de ses angoisses, de ses peurs, de ses colères, de ses violences latentes. Il peut alors désarmer l’hostilité qu’il nourrit à l’encontre de son adversaire.

Ces entretiens préliminaires ont pour fonction de préparer les deux parties à accepter d’entrer dans la dynamique de la médiation. Lorsqu’elles ont compris et accepté les principes et les règles de la médiation, le médiateur ou, généralement, les médiateurs peuvent alors les convier à se rencontrer. La réussite de la médiation peut se concrétiser par un accord écrit et signé par les deux parties. Ce « traité de paix »a la valeur d’un pacte qui engage la responsabilité des signataires. Le médiateur pourra s’assurer que l’accord est respecté par chacun.

La pratique de la médiation dans les différents secteurs de la société – l’école, la famille, le quartier, l’entreprise… – peut devenir l’une des principales méthodes de résolution non-violente des conflits qui surgissent entre les individus et les groupes. En évitant le recours aux méthodes répressives de l’État et en permettant à des citoyens de s’impliquer directement dans la gestion des conflits qui opposent d’autres citoyens, la médiation favorise l’autorégulation de la violence sociétale.

Les principes et les règles de la médiation peuvent également être appliquées au sein des conflits proprement politiques, que ce soit sur le plan national ou international. Des conflits, des crises, des guerres pourraient être ainsi désamorcés par l’exercice de la médiation par un pays tiers ou par une institution de la communauté internationale qui proposerait ses « bons offices ». La médiation peut être l’une des « armes » les plus efficaces d’une diplomatie de paix.

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