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Grève de la faim

Dans les traditions religieuses et spirituelles, le jeûne est une privation volontaire de nourriture pendant une période déterminée qui permet au jeûneur de se consacrer davantage à la prière et à la méditation. Le jeûne est alors vécu comme un temps de purification.

À l’intérieur d’une communauté, le jeûne peut avoir pour objectif de parvenir à la réconciliation lorsqu’une discorde est survenue entre deux ou plusieurs membres. Il peut être entrepris soit par une seule des deux parties qui s’affrontent, soit par les deux, soit par l’ensemble de la communauté. Il est alors décidé avec la volonté de se convertir mutuellement et non pas d’exercer une pression sur les autres. Dans ces conditions, le jeûne est entrepris pour ses amis et non pas contre ses ennemis.

Le jeûne peut être également entrepris pour des raisons médicales et thérapeutiques.

Lorsqu’une ou plusieurs personnes refusent de s’alimenter pour faire apparaître une injustice sur la place publique en interpellant à la fois l’opinion et le pouvoir, il ne convient plus de parler de « jeûne », mais de « grève de la faim ».

Grève de la faim limitée

La grève de la faim limitée est une méthode d’intervention qui consiste à s’abstenir de toute nourriture pendant plusieurs jours (entre 3 et 30 jours) afin de dénoncer sur la place publique une situation d’injustice caractérisée. La grève de la fin consiste à ne pas manger, mais elle ne consiste pas à ne pas boire. En effet, si l’organisme humain supporte, beaucoup mieux qu’on ne le croit généralement, d’être privé de nourriture pendant trois à quatre semaines, il ne supporte pas d’être privé d’eau. Il ne s’agit donc pas de faire une grève de la soif et il importe au contraire de boire de l’eau plusieurs fois par jour. Précisons que si l’on boit du lait, du jus de fruit ou du thé sucré, il ne s’agit plus, à proprement parler, d’une grève de la faim, car ces boissons sont des nourritures.

L’injustice dénoncée peut concerner directement les grévistes, comme elle peut toucher d’autres personnes avec lesquelles ils entendent manifester leur solidarité. En interrompant le cours normal du temps, qui est précisément rythmé par les différents repas, les grévistes veulent signifier l’importance et l’urgence qu’il y a à démasquer une injustice recouverte par « l’ordre établi ». La grève de la faim veut interpeller à la fois les responsables de l’injustice afin d’exercer sur eux une pression morale et mobiliser l’opinion publique afin que celle-ci exerce sur ces mêmes décideurs une pression sociale.

Dès lors qu’il est annoncé clairement à l’avance que la durée de la grève de la faim est limitée, il s’agit d’une action de sensibilisation, de conscientisation et de popularisation qui vise à convaincre et non à contraindre. Il s’agit de créer un « fait de presse » et de susciter ainsi un débat public. Comme pour toutes les actions dont on veut que les journaux parlent, la personnalité des acteurs joue un rôle important dans l’impact obtenu.

On peut le regretter, mais, qu’on le veuille ou non, tous les citoyens ne sont pas égaux devant les médias. Par elle-même, une grève de la faim limitée n’exerce aucune contrainte sur ceux qui détiennent le pouvoir de décision. Ils savent que l’action ne va pas durer et ils ont généralement le loisir d’attendre qu’elle se termine. Cependant, si les grévistes parviennent à mobiliser une part significative de l’opinion publique en la persuadant de la gravité du problème posé et de l’urgence d’y apporter une solution équitable, ils permettent que s’exerce déjà une réelle pression sociale sur les décideurs adverses.

Pour obtenir un impact maximum, il est important que des actions de soutien et de solidarité accompagnent la grève de la faim (affichages, distributions de tracts, signatures d’une pétition…). D’autres grèves de la faim peuvent également être entreprises en d’autres lieux avec le même objectif. Il reste que, le plus souvent, du fait même de la durée limitée de leur action, les grévistes ne seront pas en mesure de créer un rapport de forces suffisant pour obtenir gain de cause. Si elle reste une initiative isolée, son impact risque d’être fugitif. C’est pourquoi une grève de la faim limitée doit être surtout considérée comme un maillon dans la chaîne des différentes actions d’une lutte non-violente.

Grève de la faim illimitée

La grève de la faim illimitée est une action d’une tout autre nature que la grève de la faim limitée. L’objectif d’une grève de la faim illimitée ne se réduit pas, comme c’est le cas pour une grève de la faim limitée, à protester contre une injustice, à interpeller les décideurs adverses et à sensibiliser l’opinion publique. Celui ou ceux qui l’entreprennent se disent déterminés à la poursuivre jusqu’à ce qu’ils aient obtenu satisfaction, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’injustice qu’ils dénoncent soit supprimée. Elle n’est pas seulement une action de sensibilisation, de persuasion et de pression, elle veut être une action de contrainte. Là encore, deux cas sont possibles : ou les grévistes veulent lutter contre une injustice qu’ils subissent eux-mêmes, ou ils veulent mettre un terme à une situation dont d’autres sont les victimes et qu’ils jugent inacceptable.

Dans les deux cas, le ou les grévistes veulent dramatiser la situation en déclarant l’état d’urgence. Ils veulent défier le temps en risquant leur propre vie. Refusant de se donner encore du temps, ils affirment que le temps a assez duré et qu’ils n’ont plus le temps. Ils ont perdu patience et ils écartent tous les arguments des gens raisonnables qui voudraient les dissuader de prendre un tel risque. Ils ne veulent plus attendre et ils ont décidé de ne plus tolérer l’intolérable. Ils veulent donc accélérer le temps en prenant le risque – un risque mortel – de conjuguer la volonté de justice au présent et non plus au futur.

Une grève de la faim est une action fortement personnalisée. Les noms des grévistes, leurs visages et leurs personnalités sont un élément essentiel du processus d’interpellation et de conscientisation de l’opinion publique. S’il s’agit d’une action de solidarité, les grévistes se font les porte-parole à la fois de ceux qui subissent l’injustice et de ceux qui luttent contre elle. Il importe donc qu’ils soient reconnus par les uns et les autres. Si ce n’était pas le cas, l’action risquerait d’emblée d’être vouée à l’échec.

La décision d’entreprendre une grève de la faim illimitée est particulièrement grave. Elle ne peut être prise raisonnablement que si l’analyse approfondie de la situation fait apparaître que les conditions nécessaires à sa réussite sont remplies. Tout d’abord, il importe absolument que l’objectif choisi puisse être effectivement atteint dans les délais inhérents au mode d’action choisi, lesquels, si les grévistes s’abstiennent effectivement de toute nourriture et ne boivent que de l’eau, peuvent être estimés entre 45 et 50 jours. Si une grève de la faim illimitée était entreprise pour un objectif hors de portée, elle ne serait qu’un geste de protestation désespérée et désespérante. Deux issues seulement seraient alors possibles : ou bien les grévistes mettraient un terme à leur entreprise avant que n’arrive l’irréparable et devraient reconnaître leur échec, ou bien ils seraient les victimes de leur obstination, peut-être admirable mais certainement déraisonnable. Ils deviendraient certes des « martyrs » qui se seraient sacrifiés pour une cause juste et, en ce sens, on peut penser qu’ils ne seraient pas morts en vain. Mais ce doit être une règle de l’action non-violente de rechercher la victoire et non pas de se sacrifier. La mort peut être acceptée, mais elle ne doit pas être recherchée.

Plus encore que dans toute autre action non-violente, c’est la réaction de l’opinion publique qui s’avérera déterminante : c’est elle, en fin de compte, qui conditionnera la réussite ou l’échec de la grève de la faim. C’est ici que la « triangularisation du conflit » prend toute son importance. La contrainte décisive qui a les plus grandes chances de prévaloir, ce n’est pas la pression morale exercée par les grévistes de la faim sur les décideurs adverses, mais la pression sociale exercée sur eux par l’opinion publique mobilisée par la grève de la faim. Ainsi l’objectif qu’il faut atteindre en priorité doit être de gagner « la bataille de l’opinion publique ». Une grève de la faim illimitée ne doit pas devenir un chantage à la mort exercé contre les responsables de l’injustice. Les grévistes eux-mêmes doivent refuser toute menace à l’encontre des décideurs adverses en faisant valoir que, s’ils refusaient d’accepter leurs revendications, ils seraient directement et personnellement responsables de leur mort. La seule responsabilité qui doit leur être attribuée est celle qu’ils portent effectivement au sujet de l’injustice dénoncée et combattue.

Le fait de lancer un ultimatum aux décideurs adverses permet d’attirer déjà l’attention de l’opinion publique et de mobiliser les sympathisants. Il importe que des relais militants puissent aussitôt se mettre en place afin de multiplier l’impact du travail d’information, d’explication et de conscientisation auprès des différentes populations susceptibles d’être sensibilisées au problème posé. Un matériel de popularisation (tracts, affiches, dossiers, pétitions, …) doit être préparé par les grévistes eux-mêmes et le comité de coordination de l’action. L’intervention publique de personnalités et d’organisations affirmant leur solidarité avec les grévistes sera également indispensable. Des actions directes non-violentes devront être organisées pour intensifier la pression exercée par la grève de la faim : manifestations publiques, grèves de la faim limitées, actions de non-coopération, actes de désobéissance civile…

Il appartient aux négociateurs (deux ou trois) choisis par les grévistes dès le début de l’action d’être leurs porte-parole auprès des décideurs adverses. C’est aux grévistes, parce qu’ils sont les seuls à assumer les risques de l’action, qu’il appartient de prendre la décision de l’arrêter ou de la poursuivre. Cependant, il reviendra aux négociateurs, parce que ce sont eux qui auront tous les éléments pour le faire, d’apprécier dans quelle mesure les exigences mises en avant par les grévistes ont été satisfaites et de proposer à ces derniers l’arrêt ou la suspension de la grève.

Les prisonniers, n’ayant pas la possibilité d’utiliser d’autres méthodes de protestation, recourent souvent à la grève de la faim pour dénoncer leurs conditions d’incarcération. Ceux-là mêmes qui ont été emprisonnés pour leurs activités au sein d’une organisation politique qui recourt ouvertement à la violence peuvent décider de mener une grève de la faim. Cependant, comme c’est généralement le cas, s’ils restent solidaires des actions violentes perpétrées par leurs compagnons de lutte, leur grève de la faim s’inscrira elle-même dans le cadre d’une stratégie de l’action violente. De ce fait, elle ne bénéficiera pas des avantages que procure à une action le choix de la non-violence. Tout particulièrement, les prisonniers en grève de la faim resteront aux yeux de l’opinion publique des fauteurs de violence et, selon toute probabilité, elle restera insensible à leur situation. Dès lors, les décideurs politiques ne subissant pas une forte pression sociale, ne se croiront pas obligés de satisfaire leurs revendications. Il est à craindre, dans ces conditions, qu’ils n’aient aucun scrupule à les laisser mourir en prison.

Il reste qu’en toute circonstance une grève de la faim illimitée comporte le risque de mourir. Celui qui décide volontairement de le prendre se doit d’en assumer la responsabilité jusqu’à ses extrêmes conséquences. Il y a en effet des causes qui justifient ce risque.

Opinion publique

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