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Culture
de la non-violence
Le
terme « culture » est un mot dérivé du verbe latin colere
qui signifie à la fois cultiver et honorer. Le premier sens du mot culture est
l’« agri-culture » : il s’agit de cultiver la terre afin de
produire des végétaux qui pourront nous nourrir. Le deuxième sens du verbe colere,
nous le retrouvons dans le mot « culte » : établir un culte
vis-à-vis de quelqu’un ou de quelque chose, c’est l’honorer, le vénérer,
l’admirer. Précisons
également que la culture de la terre implique un savoir-faire qui se transmet
de génération en génération, chacune faisant profiter celle qui la suit de
ses propres expérimentations et de ses propres découvertes. Disons encore que
la culture nécessite des techniques, des outils et des instruments. Le
mot « culture » a pris un sens plus large : celui de développer
dans la nature de l’homme telle ou telle faculté par des exercices appropriés. La
culture est toujours la culture de la nature. Il ne convient certainement pas
d’opposer la nature et la culture, car nous ne pouvons cultiver que ce qui
nous est proposé, offert par la nature, que ce qui est déjà en germe dans la
nature. La nature humaine n’est pas une donnée, mais une proposition.
La nature propose et la culture dispose. La
violence est tellement présente au cœur de l’existence des hommes qu’elle
semble peser sur leur histoire comme une fatalité de la nature humaine. Mais il
existe dans cette même nature une autre possibilité que la violence. L’homme
ayant pris conscience de l’inhumanité de la violence, de son absurdité et de
son non-sens, peut alors découvrir la requête de non-violence qu’il porte en
lui et qui fonde et structure son humanité. La culture de la non-violence est
fondée sur une philosophie affirmant que l’exigence de non-violence est
l’expression irrécusable de l’humanité de l’homme. La non-violence
conditionne la possibilité de la rencontre fraternelle avec l’autre homme. Dire
que l’homme est raisonnable, c’est dire précisément qu’il ne se
comporte pas spontanément selon les exigences de la raison. Pour cela, il peut
et doit se raisonner. Par nature, l’homme n’est ni violent, ni non-violent,
mais il est capable à la fois d’être violent et d’être non-violent. Dès
lors que, de par sa nature, l’homme est en même temps incliné à la violence
et disposé à la non-violence, la question est de savoir quelle part de lui-même
il décide de cultiver, aussi bien individuellement que collectivement.
Or, force est de constater que nos sociétés sont dominées par une culture de
la violence. L’éducation elle-même a longtemps reposé sur des méthodes qui
comportaient des actes de violence – sous la forme notamment de punitions
corporelles – commis par les parents et les maîtres à l’encontre des
petits d’homme. Aujourd’hui encore, la violence est trop souvent considérée
comme une méthode éducative et pédagogique nécessaire et légitime. En réalité,
cette violence subie par les enfants risque fort les conduire à être violents
eux-mêmes dès qu’ils en auront la possibilité. Dans
le même temps, le milieu social où l’enfant grandit lui apprend que pour
faire sa place dans la vie il ne faut pas « se laisser faire », mais
qu’il faut savoir « se battre » ; ce qui veut dire « rendre
coup pour coup » et, parfois même, ne pas hésiter à donner le premier
coup. Très rapidement, le petit d’homme va se pénétrer de l’idée que la
violence est l’arme des forts et que vouloir y renoncer serait un aveu de
faiblesse et de lâcheté. Ainsi, se reproduit, de génération en génération,
la culture dominante de la violence. Cette
culture se manifeste et s’exprime particulièrement dans la tradition
militaire des sociétés. L’histoire des peuples est présentée comme étant
essentiellement celle de leurs guerres. Le souvenir de ces combats fratricides
encombre la mémoire des peuples. Il risque d’entretenir de vieilles rancœurs
qui alimentent un jour de nouvelles hostilités. Pour développer une culture de
paix, il importe que chaque peuple s’attache à désarmer son histoire afin de
désamorcer les conflits qu’elle recèle encore. Les
sociétés ont cultivé la violence et l’ont honorée comme le moyen nécessaire,
légitime et honorable de défendre l’identité de la nation, du peuple, de la
communauté, à travers les inévitables conflits qui surgissent dans
l’histoire des hommes. Ce qui nourrit la culture de la violence, ce n’est
pas tant la violence elle-même que sa légitimation. Cette culture de la
violence offre ainsi à l’individu nombre de constructions idéologiques pour
lui permettre de justifier sa violence. La
culture confectionne un habillage, un « prêt-à-penser » qui a pour
fonction, non pas de désigner la violence, mais de la déguiser. Elle véhicule
des images de la violence qui sont des montages et qui ont pour but et pour
effet de cacher la vérité de la violence. Ces images veulent nous montrer que
l’œuvre de la violence, c’est la justice et non la mort. La représentation
culturelle de la violence vise toujours à ennoblir la violence et à masquer
tout ce qui est ignoble en elle. Elle veut humaniser la violence en
masquant son inhumanité. Le
premier acte de la culture de la non-violence, c’est de déshonorer et
de délégitimer la violence, de déconstruire l’idéologie qui
justifie la violence comme un droit de l’homme et l’honore comme la vertu de
l’homme fort. Cultiver la terre, ce n’est pas seulement semer de bonnes
plantes, c’est aussi arracher les mauvaises herbes. Avant de semer, il faut préparer
la terre par un labour de défrichement. De même, se cultiver, ce n’est pas
seulement apprendre des idées justes, c’est aussi désapprendre
beaucoup d’idées fausses véhiculées par l’idéologie dominante. La
culture de la non-violence implique un effort sur soi, long, méthodique
et raisonné. Il s’agit de développer les facultés psychologiques,
spirituelles et intellectuelles qui permettent à l’individu d’adopter une
attitude non-violente aussi bien dans sa vie personnelle et ses relations
interpersonnelles que dans la vie sociale et politique. La culture de la
non-violence doit viser non seulement à promouvoir des « valeurs »
qui fondent le respect des droits de l’être humain, mais aussi à les
incarner dans des institutions qui garantissent ce respect. Développer une
culture de la non-violence, c’est rechercher les voies d’un exercice
non-violent de l’autorité dans toutes les situations de pouvoir. Ainsi, la
culture de la non-violence n’établit plus de séparation entre vie privée et
vie politique, mais elle permet enfin de les unifier par une même morale. Pour
se développer et avoir réellement prise sur l’événement, la non-violence a
besoin d’un milieu humain qui crée une atmosphère intellectuelle et
spirituelle favorable à sa culture. Dès lors, la tâche la plus urgente est de
créer un tel milieu humain qui favorise la culture de la non-violence. Et il
est de la responsabilité de chacun d’y contribuer. Éducation
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Philosophie
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