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Hommage à Robert Linssen

(11 avril 1911 – 15 mai 2004)

Samir Coussa

 

Introduction

J’ai découvert l’œuvre de Robert Linssen en 1974 par son livre Le zen paru aux éditions Marabout. J’habitais à Damas en Syrie et la première personne qui m’avait introduit au domaine de la spiritualité insistait sur la nécessité d’une synthèse entre la raison, la science et l’expérience intérieure. J’étais donc vivement intéressé par tout ce qui touchait ce domaine. J’ai appris que Linssen l’approfondissait depuis les années trente et qu’il publiait la revue Être Libre qui traitait de ces sujets.

J’ai par la suite correspondu avec Linssen jusqu’en 1979, où j’ai pu le rencontrer en chair et en os après mon installation à Paris. R. Linssen prit l’habitude de loger dans notre appartement en banlieue parisienne lors de ses fréquents passages à Paris. En 1987, nous nous installâmes à Montréal et je pensais ne plus le revoir, tout en continuant nos échanges par courrier et téléphone. Mais au début des années 90, Linssen commença à partager sa vie entre le Québec et l’Europe. Il restait parfois plus de six mois d’affilée avec nous et pensa souvent déménager définitivement au Québec.

Il repartit l’été 2001 en Europe, pensant retourner rapidement au Québec ; mais des problèmes de santé l’en empêchèrent et le privèrent de contacter le monde extérieur.

Bref, ma connaissance de Robert Linssen ne s’est pas limitée à son œuvre et à quelques rencontres mondaines à l’occasion de ses conférences et autres activités, mais j’ai pu le connaître de près. Il était un membre de ma famille, logeait avec nous, partageait notre vie et jouait le rôle de grand-père pour mes enfants.

L’œuvre

Robert Linssen était un pionnier dans de nombreux domaines. Nous lui devons beaucoup.

Il commença ses activités dans les années trente. C’était un infatigable touche-à-tout. Son activité extérieure était immense et variée. Il fréquenta et œuvra dans différents ordres initiatiques et associations, de la théosophie à la franc-maçonnerie, ainsi que dans des cercles de réflexion scientifique. Il milita pour l’économie distributive[1] et pour l’organisation des états unis d’Europe après la Deuxième guerre mondiale, dont la vision se trouve en partie réalisée aujourd’hui par l’Union Européenne. Il contribua aussi à fonder diverses écoles d’éducation alternative et fut vice-président de l’« Association Zen internationale ». Et j’en passe.

Durant ces longues années d’activité et à travers, entre autres, l’« Institut des sciences et philosophies nouvelles » de Bruxelles qu’il dirigeait, Robert Linssen organisa et participa à de nombreux colloques internationaux avec la collaboration de spécialistes mondialement reconnus. Il donna des centaines de conférences et de séminaires presque partout dans le monde et dirigea la maison d’édition « Être Libre ». Il fut aussi à l’origine de la publication de nombreux livres. Il organisa les entretiens publics de Krishnamurti en France et en Belgique et découvrit l’emplacement du lieu des rencontres annuelles autour de Krishnamurti à Saanen en Suisse.

Robert Linssen contribua à lancer et à faire connaître de nombreux chercheurs et maîtres spirituels et de nombreux courants d’idées. Il se lia d’amitié et collabora avec plusieurs personnalités, telles que J. Krishnamurti, Wei Wu Wei, D. T. Suzuki, David Bohm, Alexandra David-Neel, Jean Herbert, Carlo Suarès, Roger Godel, Stéphane Lupasco, René Fouéré et tant d’autres et contribua, souvent, à faire connaître leurs œuvres.

Bref, son activité et la portée de cette activité étaient immenses et souvent insoupçonnées du grand public.

Sa petite revue avant-gardiste Être Libre publia des essais originaux d’éminents penseurs et écrivains spirituels et traita, dès les années quarante, de sujets aujourd’hui très à la mode, comme la méditation, la science et la spiritualité, les nouvelles psychologies, les traditions spirituelles, les Yogas, le Zen, Krishnamurti, l’écologie, la nouvelle éducation, etc.

Robert Linssen a écrit plus d’une vingtaine de livres et quelques centaines d’articles. Malgré les nombreuses références savantes dans ses livres et articles, son but n’était jamais académique. Il se passionnait à communiquer au public l’essentiel des grandes traditions spirituelles – dépouillées de leurs symbolismes et images archaïques de l’époque – et des dernières tendances scientifiques et psychologiques – dépouillées, elles aussi, des nombreuses technicités inutiles – pour lui permettre ainsi d’avoir une vision renouvelée de lui-même et de l’univers.

Mais Robert Linssen ne s’arrêtait pas là. Il expliquait à ses lecteurs et à son public les mécanismes de l’endormissement psychologique, dans et par les habitudes, et les incitait à vivre une mutation psychologique par un retour sur soi-même grâce à une attention active et impartiale[2].

Il contribua très tôt à faire connaître les divers courants de la spiritualité, surtout le Zen dans sa forme chinoise pure : le Ch’an[3], la pensée de Krishnamurti[4], la psychologie des profondeurs[5], la convergence et la synthèse qui s’en dégageaient avec la science moderne[6], bien avant Capra, Bohm et nombreux autres.

Robert Linssen trouvait que la nouvelle physique « dématérialisait » la matière, tandis que les nouvelles expressions de la spiritualité et les nouveaux apports de la psychologie « matérialisaient » l’esprit. Donc nos anciennes catégories et visions de l’esprit et de la matière n’étaient plus valables. Pour lui, ce n’était pas une simple intuition intellectuelle. Il appela, dès les années trente, ce nouveau courant de synthèse le « matérialisme spirituel ».

Comme le lui écrivait Louis de Broglie en 1942 : « … Vous avez mis en relief d’une façon si frappante les analogies qui existent entre certains aspects de la physique moderne et les intuitions profondes de la pensée hindoue ».

Il était aussi poète et publia un recueil de poésie sous le pseudonyme de Râm Nirmayananda Dorje[7].

Robert Linssen était un penseur profond et un vulgarisateur exceptionnel. Il surprenait par chaque nouvelle image ou exemple qu’il découvrait régulièrement pour communiquer sa vision.

Je trouvais fascinantes les études de plus en plus précises et raffinées quant à la naissance de l’ego et son développement que Linssen nous livrait à chaque nouvelle découverte scientifique, psychologique ou spirituelle[8].

Il pensait que l’histoire de l’ego était liée à l’histoire de l’univers. Depuis le Big Bang, la matière s’organise et se forme par l’accumulation de mémoires ou habitudes – qui deviennent, à force de répétition, des lois – pour aboutir, par étapes successives, à des états différents : matière de l’infiniment petit : particules élémentaires, atomes et molécules ; cellules ; plantes ; animaux ; l’être humain. Pour Linssen, l’homme, aboutissement de ce long processus, est un « milliardaire de la mémoire » et du temps. Les mémoires-habitudes, s’étant ainsi accumulées, ont atteint un point critique et se sont prises pour une entité séparée. L’homme peut sortir de ce rêve, de cette erreur de perception, et redécouvrir son origine cosmique par l’exercice d’une attention libre et impartiale.

En résumé, comme me le faisait remarquer un ami : « Je n’aurai jamais imaginé pouvoir lire et comprendre autant de sujets si variés, scientifiques et philosophiques, et connaître autant d’œuvres et d’auteurs sans la lecture des livres de Robert Linssen ».

L’homme

C’est la partie la plus subjective de ce résumé incomplet sur Robert Linssen. J’aimerais me limiter ici à ce que je connais de première main pendant cette période d’amitié réciproque, et aussi y ajouter mes propres impressions. Il m’est aussi difficile de donner des noms et de spécifier des situations car beaucoup de ces informations sont privées ; de plus, j’avoue ne pas tout connaître de sa longue vie.

Robert Linssen aimait que ses amis l’appellent Ram et c’est ainsi que je vais faire référence à lui par la suite.

Comme je l’ai signalé dans l’introduction, Ram avait élu domicile chez nous à Montréal pour une bonne partie de chaque année entre 1991 et 2001.

Cette proximité nous permettait de connaître de près ses habitudes et ses réactions dans les moindres détails de la vie quotidienne, ainsi que ses activités de conférencier et d’écrivain. Dans cette vie commune et intime, Ram acceptait nos remarques sur les plus petits détails de la vie quotidienne à la maison et s’adaptait facilement. En voici un sketch rapide.

Comme je l’ai mentionné, Ram était un passionné. Chaque fois que nous allions l’accueillir à l’aéroport et tout de suite après les salutations d’usage, il enchaînait avec passion sur ses dernières découvertes intérieures ou sur la dernière image qui lui était venue à l’esprit concernant le processus intérieur. À chaque fois, nous sentions une autre énergie entrer dans la maison.

J’ai souvent demandé à Ram ce qui le poussait, sans se fatiguer ni se lasser, à faire toutes les activités que j’ai mentionnées. J’ai appris de sa bouche qu’à l’origine de toutes ses activités et synthèses se trouvaient des expériences intérieures, qu’il mentionnait d’ailleurs rarement en public ou dans ses écrits[9], s’effaçant devant l’information communiquée. Dans ces expériences, et d’une façon soudaine et inattendue, Ram se trouvait dans une autre dimension, où les êtres et les choses se révélaient de l’intérieur dans leur nature et unité véritables. Une grande ferveur intérieure et une passion l’avaient poussé par la suite à chercher l’expression adéquate à ses expériences et à expliquer, réaliser et communiquer sa vision, à la fois sur les plans social et intellectuel.

Je croyais aussi que Ram lisait énormément. J’ai eu la surprise de constater qu’il lisait modérément et dans la dernière décennie de sa vie il ne lisait presque plus. Seuls des extraits de Nisargadatta Maharaj, de Krishnamurti, etc. lui servaient de source de réflexion et de méditation.

À ma question : « Tes livres émaillent de citations et de références ; alors tu devais lire beaucoup ». Sa réponse fut : Non. Souvent c’était des amis, comme moi, qui lui indiquaient de bonnes références et il savait en extraire les passages importants pour son exposé. J’ai reçu comme cadeau plusieurs volumes qu’il citait fréquemment et, à ma surprise, la majorité des pages étaient encore attachées. Seules les pages qu’il citait était détachées ou soulignées !

Dans les dernières années de sa vie, Ram s’était très peu tenu au courant des nouvelles avancées scientifiques ; il n’avait donc pas renouvelé ses références à ce niveau et répétait, avec peu de nouveau, les mêmes idées et citations avec un nouvel arrangement. Malgré cela, ses derniers livres restent une introduction très valable et accessible aux néophytes.

Ram aimait beaucoup marcher. Il faisait de grands tours à pieds et adorait les arbres et la nature. Et jusqu’à presque 85 ans, il portait de lourdes bouteilles d’eau et d’autres articles pendant plus d’une vingtaine de minutes sous tous les climats de Montréal !

Il faisait toujours ses propres commissions (sauf quand cela lui était impossible) et participait à plusieurs tâches à la cuisine, jusqu’à préparer lui-même un repas complet pour toute la famille.

Ram consacrait un temps énorme à répondre personnellement à tous ses correspondants. Lorsque l’idée d’un nouveau texte ou livre le possédait, il se mettait à la tâche toute la journée avec des arrêts pour se reposer ou marcher.

Il adorait rencontrer des personnes intéressées par la recherche spirituelle et pouvait s’entretenir avec elles indéfiniment ; il en retirait une grande joie et énergie.

Ram aimait plaire et être accepté. Ainsi nous avons eu la chance lors de ses longs séjours de rencontrer diverses personnalités et personnes intéressantes et de participer à divers séminaires, conférences et colloques.

Pour nous, le sommet de ces rencontres, qui a bouleversé notre vie, a été la découverte et la rencontre d’un authentique éveillé-vivant : Virgil. Sans Ram, nous ne l’aurions, probablement, jamais connu.

Ram aimait jouer du piano pour se détendre. Il avait appris à en jouer pour épater une jolie fille lorsqu’il était jeune, m’avait-il dit.

Les discussions avec Ram ne manquaient pas d’humour. Il avait tendance parfois à exagérer, sans malice, les détails d’une anecdote et ainsi amusait toutes les personnes présentes. Parfois il avait tendance à s’opposer avec exagération à un acte ou à une idée. Ce dernier cas lui valut d’être attaqué par des personnes qui, je crois, ne le connaissaient que superficiellement. J’ai été témoin de plusieurs épisodes. J’ai souvent questionné Ram sur ce côté « exagérateur » en lui. « Mais ça m’amuse », me répondit-il. Ce qui m’émerveillait en Ram était sa disponibilité à rencontrer, sans problème ni rancune, ses plus âpres détracteurs. Mais je ne crois pas que ceux-ci le comprenaient ainsi.

Un autre côté très instructif pour nous était sa capacité, même à 90 ans, à se corriger – du moins tel que je l’ai vu, et sans jamais être en conflit – par rapport à toute remarque que nous lui faisions sur sa façon de vivre et de penser le quotidien. Il nous répétait : « I am still learning ».

Un autre élément qui me surprenait était son ambivalence vis-à-vis de l’argent. Ram vendait ses nombreux livres lors de ses conférences et séminaires. Il semblait incompréhensible de le voir parfois insister pour le paiement d’un petit livre, alors que d’autres fois il donnait gracieusement des livres assez chers sans que cela dépende du tout du statut et/ou du rang social de l’acquéreur.

Souvent il était généreux envers des personnes qu’il connaissait à peine, allant jusqu’à leur offrir son soutien financier, alors qu’il était, parfois, des plus réservés vis-à-vis de sa famille la plus proche. Je l’ai souvent questionné à ce sujet. J’ai compris qu’il donnait selon le besoin véritable.

Robert Linssen a périodiquement partagé sa vie avec une compagne. De ce que j’ai pu voir, il avait toujours été fidèle ; mais lorsqu’il se sentait devenir une possession, la vie commune prenait fin. À ma connaissance, il n’a jamais laissé une compagne sans l’aider.

Sa relation avec sa famille nombreuse – trois générations lui ayant succédé – n’était pas toujours au beau fixe. J’ai discuté souvent de ce sujet avec Ram. J’ai compris que ce qu’ignoraient certains de ses proches était son réel amour pour eux qu’il n’arrivait pas à exprimer en raison de leur refus de l’accepter tel qu’il est. Je crois que c’était, en bonne partie, dû au fait que Ram avait eu peu de temps pour s’occuper de ses enfants. Il était toujours en déplacement pour ses nombreuses activités. C’est souvent le cas des grands visionnaires et pionniers : leurs activités prévalaient sur leur vie familiale.

Conclusion

Ram était un visionnaire passionné et un pionnier passionné. La simplicité du contact qu’on pouvait établir avec lui, sa passion spirituelle et son enthousiasme très communicatifs sont exemplaires.

Il a ouvert la porte du monde intérieur à de nombreux chercheurs.

Je n’ai jamais considéré Ram comme un éveillé, mais plutôt comme quelqu’un qui était touché par une dimension spirituelle et profonde de l’existence. L’expression de cette autre dimension se faisait à travers sa personne, avec toutes ses qualités, et aussi toutes ses limites.

Sa capacité de reconnaître ses erreurs et sa capacité d’apprendre jusqu’à la fin étaient extraordinaires.

Même si ses livres et son nom seront probablement oubliés, il restera un catalyseur important de cette poussée évolutive de l’univers, de cet enchevêtrement profond et mystérieux des événements, dont les répercussions s’actualisent plus chaque jour.

Je le remercie d’être passé dans ma vie.

Je lui laisse le dernier mot. Dans le numéro 3 de la revue OM sur le thème « Lucidité » (p. 607), à la question : « Comment voyez vous la « finitude » de la personne Robert Linssen ? » Il répondit :

« Rien ! Une vaguelette évanescente, anonyme, parmi les milliards de vagues de l’Océan insondable du Grand Vivant, un corps parmi les milliards de corps connus et inconnus, incompréhensiblement envahi par la bénédiction surprenante et non recherchée d’une force d’Amour, présente au cœur de tous les êtres, un corps qui ne respire plus mais qui « est respiré », qui n’agit plus mais « est agi » et qui n’y est pour rien ».

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[1] Lire les articles sur ce système dans l’ancienne série de la revue 3e Millénaire.

[2] Lire par ex. : La méditation véritable (éd. Courrier du livre). L’auteur y essaie de démanteler les mécanismes de la pensée et de répondre aux questions : « Pourquoi pensons-nous ? », « Qu’est-ce que la pensée ? » et surtout « Qui pense ? », pour aboutir à une description lumineuse de la méditation.

[3] Lire par ex. : Le sens du zen (éd. Le Mail) et Bouddhisme, Taoïsme et Zen (éd. Le courrier du livre) : deux livres très accessibles et passionnants sur le Zen en relation avec la culture moderne.

[4] Lire par ex. : Krishnamurti, psychologue de l’ère nouvelle (éd. Courrier du livre) et Krishnamurti, précurseur du 3e Millénaire (éd. Courrier du livre) ; le premier est un très clair exposé de l’enseignement de Krishnamurti, hélas épuisé. Dans tous ses livres Linssen s’inspire de Krishnamurti ; ces deux livres sont les plus représentatifs.

[5] Lire par ex. : La mutation spirituelle du 3e Millénaire (éd. Courrier du livre) et La méditation véritable.

[6] Lire par ex. : Spiritualité de la matière (éd. Courrier du livre), Science et Spiritualité (éd. Courrier du livre), Au-delà du hasard et de l’anti-hasard (éd. Courrier du livre). Plusieurs thèmes scientifiques et spirituels y sont abordés pour démontrer lumineusement que la matière et l’esprit ne sont que les deux aspects de la même unité des profondeurs.

[7] Lire par ex. : La divine féerie (éd. Être libre). Robert Linssen utilisa plusieurs pseudonymes dans ses écrits ; citant Iwan Khowsky, Prof. Lebélier, Râm Nirmayananda Dorje, Ram Linssen, etc.

[8] Lire par ex. : Au-delà du mirage de l’ego (éd. Altess). Les processus d’organisation de la matière aboutissent à ce « milliardaire de la mémoire » que nous sommes et au-delà.

[9] Lire par ex. : La Spiritualité Quantique (éd. De Mortagne). Dans ce livre Linssen relate quelques-unes de ses expériences de jeunesse.

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