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Nous
sommes prêts à mourir à tout moment pour aider les autres à vivre Interview
avec
Ahangamage Tudor
Ariyaratne[1] Alors
même que son organisation d’auto-assistance commence à se développer sur le
plan national, A.T. Ariyaratne apprend qu’un complot se trame contre lui. Le célèbre
Choppe, un grand caïd du milieu basé à Colombo, la capitale du Sri Lanka, a
été engagé pour supprimer le leader populaire. Le plan doit être mis à exécution
dans le centre bouddhiste où Ariyaratne a prévu de prendre la parole le
lendemain. Prévenu de la menace qui pèse sur lui la veille au soir, Ariyaratne
se rend alors au milieu de la nuit à la demeure de Choppe et se présente à
l’homme que l’on a surnommé le « Roi des Tueurs ». « Choppe
Aiyah, je suis Ariyaratne, celui que vous avez l’intention de tuer demain,
lance-t-il au gangster surpris. S’il vous plaît, ne souillez pas ce lieu sacré
de connaissance bouddhiste avec le sang d’un mendiant comme moi. Tuez-moi sur-le-champ ! »
Le tueur regarde alors dans les yeux le courageux professeur de sciences qui
aide les pauvres à s’organiser dans des centaines de villages. « Je ne
peux pas vous tuer », dit-il à son invité nocturne. Choppe est devenu
depuis un fervent admirateur et défenseur du Mouvement et d’Ariyaratne,
qu’il appelle désormais « Monsieur » ! La
première fois que je l’ai rencontré et interviewé à l’issue d’une conférence
qu’il venait de donner aux Nations Unies en 1983, Ari m’a expliqué que,
selon le Mahatma Gandhi, quand on essaie d’introduire des changements, il y a
cinq étapes à surmonter : « D’abord, les gens se montrent indifférents ;
ensuite ils vous ridiculisent ; ils vous maltraitent, ils vous mettent en
prison ou alors ils essaient de vous tuer. Et si vous surmontez les quatre premières
étapes, il vous faudra encore affronter la phase la plus dangereuse de toutes :
celle où les gens commencent à vous respecter. Alors, si vous n’y prenez
garde, vous risquez de devenir votre propre ennemi. » *** Le
Sri Lanka, qui portait autrefois le nom de Ceylan, est une île tropicale
luxuriante située au large de la pointe sud-est de l’Inde. Ce pays,
actuellement déchiré par la guerre, fut pendant près de deux mille ans une
terre de paix – Dhammadveepa – que ses habitants appelaient l’« Île
du Dharma ». Des temples et des monastères d’un blanc scintillant façonnent
le paysage où l’on aperçoit ici et là des moines et des moniales en robe
safran pratiquer la méditation silencieuse. La jungle est peuplée d’éléphants,
de cobras, de singes, de chauves-souris, de tigres et d’oiseaux qui comptent
parmi les plus exotiques au monde. L’île est bordée de plages de sable blanc
et du bleu-vert profond de l’océan Indien. À l’intérieur, les
immenses ruines des anciennes capitales s’élèvent à la gloire des temps
anciens où des statues géantes du Bouddha reposent comme des rappels visibles
d’une tranquillité passée. Ahangamage
Tudor Ariyaratne est né dans le petit village côtier d’Unawatna au sud du
Sri Lanka le 5 novembre 1931. Ari, comme on l’appelait alors, grandit aux côtés
de son père, un homme d’affaires qui deviendra le chef du village. Avant même
d’entrer à l’école primaire, Ari a appris l’alphabet cinghalais avec
l’abbé du temple, et le bouddhisme a toujours fait partie de son éducation.
À l’adolescence, il s’engage avec enthousiasme dans des œuvres
sociales et travaille comme bénévole dans son village. Ari a ainsi, dès son
plus jeune âge, de grands espoirs et l’expérience pratique d’aider les
autres. Après
ses études secondaires, Ariyaratne quitte son village pour aller étudier à
Mahinda College
à Gale, Sri Lanka, où il passe un diplôme national de professeur de science.
Il fait ses débuts dans l’enseignement à Colombo, dans un prestigieux lycée
bouddhiste fondé par un théosophe américain, le colonel Henry Olcott. C’est
alors qu’il va pouvoir commencer à réaliser le rêve qui lui tient tant à cœur.
En 1958, Ariyaratne propose à un groupe d’élèves d’aller travailler comme
bénévoles dans le cadre d’un camp de vacances de deux semaines. Ils partent
dans un village reculé et très pauvre où vivent des gens de la plus basse
caste, pour que ses élèves « comprennent et fassent l’expérience de
l’état réel de la situation dans les zones rurales les plus pauvres,
qu’ils développent un amour pour ces gens et se servent de l’éducation
qu’ils ont reçue pour les aider à construire une vie plus juste et plus
simple ». Ari et ses élèves vivent dans le village afin d’apprendre de
l’intérieur ce dont la communauté a le plus besoin. Les élèves de la haute
société partagent les huttes et les repas des habitants, ils participent à
leurs activités quotidiennes et aux « réunions de famille »
pendant lesquelles ils discutent de leurs besoins. La question sanitaire
paraissant la plus urgente, ils proposent de construire des latrines. Leur
projet sera appliqué dans les premiers camps de travail d’un mouvement qui
allait par la suite prendre de plus en plus d’ampleur. Le camp est appelé
Shramadana, du pali shrama, « travail » ou « énergie »,
et dana, « donner ». L’idée même que des élèves de la
haute société construisent des latrines pour des paysans des castes inférieures
suscite beaucoup de colère dans les hautes castes du voisinage et le travail
des camps Shramadana sera saboté à plusieurs reprises sous le couvert de la
nuit. Sans se laisser impressionner, les jeunes et les villageois réparent les
dégâts et poursuivent leurs activités. Au bout de deux semaines, les élèves
et les villageois ont noué de puissants liens d’amitié. L’idée
prend et les camps se développent rapidement. D’autres écoles commencent à
appliquer l’idée de Shramadana et à envoyer leurs élèves dans les villages
durant les week-ends et les vacances. Par ailleurs, les villageois qui ont été
aidés se mettent bientôt à aider d’autres communautés pauvres. Des
douzaines de villages s’associent au mouvement Shramadana, et les villageois
lancent eux-mêmes de nouveaux projets. Les principes du Mouvement sont déjà
en place mais ils restent à définir plus précisément. En
quête d’inspiration et de conseils en Inde, Ariyaratne décide alors
d’aller étudier le mouvement gandhien sur place, et il s’intéresse
particulièrement à la campagne Bhoodan-Gramdan menée par Vinoba Bhave, un
proche disciple de Gandhi[1].
Bhave a parcouru des milliers de kilomètres en l’espace de près de vingt ans
et il a organisé des rencontres dans tout le sous-continent indien pour appeler
les riches à donner une partie de leurs terres aux pauvres. La campagne
Bhoodan-Gramdan (« don de la terre »), qui a permis de distribuer
plus de deux millions d’hectares aux pauvres, est considérée comme l’un
des plus grands héritages d’un disciple de Gandhi en Inde. Après cette
immersion dans l’expérience de Vinoba Bhave et d’autres leaders gandhiens,
Ariyaratne rentre au Sri Lanka avec une vision claire du Mouvement, qui
s’appelle désormais Sarvodaya (sarva signifie « tout », ou
« qui embrasse la totalité », et udaya, « réveil »,
en référence au terme employé par Vinoba Bhave en 1948 pour décrire les
nouveaux objectifs gandhiens de l’Inde d’après l’Indépendance). Le
mouvement Sarvodaya-Shramadana exerce aujourd’hui son influence dans des
centaines de villages, au Sri Lanka, en Afrique et ailleurs en Asie. Œuvrant également
pour un « réveil mondial », il organise des conférences et propose
une aide technique et des programmes de formation aux mouvements d’auto-assistance
dans le tiers-monde et le quart-monde. Tout
en mettant l’accent sur la décentralisation et l’autosuffisance, Sarvodaya
a mis en place des programmes en matière d’éducation, de santé, d’équipements,
de transport, d’agriculture et toute une gamme d’énergies renouvelables,
comme les moulins à vent et les générateurs au méthane qui transforment les
déchets domestiques en gaz de cuisson. En
l’espace d’un an, Sarvodaya a construit trois fois plus de routes que le
gouvernement, désenclavant ainsi pour la première fois de nombreux villages
sous-développés, négligés jusqu’alors par le gouvernement colonial. En
1970, le Mouvement compte plus d’une centaine de centres de coordination,
chaque centre prenant en charge les besoins de vingt à trente villages alentour,
et gère un programme de « réveil rural » dans trois mille cinq
cents communautés. Sarvodaya
se caractérise également par son aspect spirituel. Ariyaratne a rassemblé
trois millions de personnes autour de la méditation de la compassion[2],
que tous les membres pratiquent au même moment une à deux fois par jour.
Ariyaratne pense que l’envoi simultané d’un tel nombre de formes-pensées
d’amour a un effet tangible sur l’humanité. La philosophie religieuse de
Sarvodaya prescrit les idéaux bouddhistes de bienveillance et de générosité.
Comme le fait remarquer Joanna
Macy dans son livre Dharma
and Development: Religion as Resource in the Sarvodaya Self-Help Movement
(« Dharma et développement : la religion au service du mouvement
d’auto-assistance Sarvodaya ») : « Le Mouvement part du
principe que la notion de développement ne peut avoir de sens qu’en terme
d’accomplissement humain. » Pour Ariyaratne, cet accomplissement
provient d’une compréhension profonde de l’interdépendance et de la
poursuite d’un état d’éveil sans cesse renouvelé. Depuis le début,
des moines bouddhistes travaillent aux côtés des villageois dans les projets
Sarvodaya-Shramadana. Pendant
les dix premières années du Mouvement, Ariyaratne vivra uniquement de ses
revenus comme professeur de sciences. Avec son salaire, il parvient à nourrir
sa femme, sa mère et ses six enfants, tout en finançant les besoins élémentaires
du Mouvement. Quand les gens commenceront à entendre parler de Sarvodaya, les
donations afflueront du monde entier. En 1972, Ariyaratne renoncera à son poste
d’enseignant pour se consacrer à plein temps au Mouvement. Il
avait toujours dit qu’il ne voulait pas avoir affaire à la politique ;
mais en tant que leader de millions de personnes dans un pays qui se désagrège,
Ariyaratne se voit obligé de prendre part au débat politique. La
presse mondiale s’est fait l’écho d’une guerre civile entre les Tamouls
hindous originaires de l’Inde du Sud et les bouddhistes cinghalais, les indigènes
du Sri Lanka. Selon les rapports internationaux, les Cinghalais (soixante-dix
pour cent de la population sur un total de 16,5 millions d’habitants) et les
Tamouls (vingt pour cent) se livrent bataille au sujet des droits politiques et
économiques fondamentaux des Tamouls. Certains Tamouls vont jusqu’à prôner
la sécession du Sri Lanka et la création d’un état séparé dans les
provinces du Nord-Est, où ils sont majoritaires. Durant
notre entretien, Ariyaratne nous racontera une toute autre histoire sur les
causes de la violence au Sri Lanka, une histoire qui se joue non seulement sur
la petite île mais dans le monde entier. Pour Ariyaratne, le développement économique
ultra-rapide et le passage brutal à une économie de marché sont les causes
sous-jacentes du stress et de la violence dans le pays. À sa manière
claire et directe, il montre du doigt les puissances occidentales et les forces
d’avidité qui se sont installées dans son pays et font tout pour encourager
le matérialisme au détriment des valeurs spirituelles. Suite
à notre première conversation à New York, j’ai revu Ariyaratne à Oakland
l’année suivante lors d’une conférence qu’il était venu prononcer sur
les liens économiques à l’échelle de la planète. Et je dois dire que, grâce
à lui, j’ai enfin vraiment compris en quoi consistait l’exploitation économique
des pays du tiers-monde. Ariyaratne
expose les choses d’une manière neutre et sans prétentions, un peu comme un
ami qui vous parlerait du mur de la cuisine à rafraîchir. Il ne se laisse à
aucun moment envahir par la colère et il s’exprime avec vigueur en gardant un
ton posé. L’interview s’est déroulée juste après une conférence qu’il
venait de donner à un groupe de méditants bouddhistes sur le thème de
l’engagement social dans un contexte bouddhiste. C’est un sujet qu’il
connaît bien et qu’il a souvent développé devant de nombreux auditoires
dans le monde entier. En tant que fondateur de Sarvodaya, Ariyaratne est l’un
des exemples vivants de ceux qui ont su associer avec succès les idées de
Gandhi et celles du Bouddha. Catherine Ingram *** Interview
d’Ahangamage Tudor Ariyaratne Oakland,
Californie (21 octobre 1984) Catherine
Ingram : Ari, vous avez souvent dit que tous les problèmes dans
le monde sont liés les uns aux autres. Pourriez-vous nous donner quelques
exemples ? Ahangamage
Tudor Ariyaratne : Nous vivons dans un monde interdépendant. Les télécommunications
et les technologies nous ont rassemblés, et je pense à des moyens techniques
que nous utilisons tous, comme ce magnétophone. Il y en a partout, même là où
les gens n’ont rien à manger. Nous voyons bien que les ressources du monde
sont utilisées d’une manière interdépendante. Je rentre tout juste du Japon
où j’ai appris que soixante-dix pour cent des besoins alimentaires du pays
sont importés. Le prétendu « miracle économique » asiatique –
au Japon – est dépendant du reste du monde, le plus souvent de pays où
l’on meurt de faim. Voilà des exemples d’une forme d’interdépendance. Nos
problèmes sont également liés les uns aux autres du fait même que les
superpuissances fabriquent des armements nucléaires : car si un accident
devait se produire, elles ne seraient pas les seules à souffrir ; tous les
autres pays en seraient victimes. Il y a aussi le problème des produits
chimiques que les pays développés déversent dans nos pays. Je pense notamment
aux pesticides et aux médicaments expérimentaux. Quoi
que nous fassions et où que nous vivions dans le monde, nous devons garder
cette vision globale à l’esprit. Dans le mouvement Sarvodaya, même si
nous travaillons dans les villages les plus reculés d’Asie ou d’Afrique,
nous essayons toujours de ne pas perdre de vue cette perspective globale. C.I. :
À votre avis, le statut économique des pauvres a-t-il empiré au cours
des dernières années ou s’est-il au contraire amélioré ? A.T.A. :
Je dirais que la condition des pauvres a empiré. Cela tient d’après moi à
ce que l’économie internationale est contrôlée par un tout petit nombre,
tandis que ceux qui produisent effectivement de la nourriture et fabriquent des
objets exigeant beaucoup de main-d’œuvre vivent dans les communautés les
plus pauvres du monde. Prenez le Sri Lanka. Il n’y a peut-être qu’une poignée
de gens au Sri Lanka, une toute petite minorité, qui bénéficie du développement
économique et de la hausse des échanges avec l’Occident de ces dernières
années, tandis que les pauvres s’appauvrissent et que le nombre de pauvres ne
cesse de croître. C’est un phénomène que l’on peut observer dans tous les
pays en développement. Dans mon pays, quand on achète une denrée alimentaire
à laquelle on a fait subir un traitement, il faut payer plus cher pour le
traitement lui-même que pour le prix de la denrée, à cause des additifs et de
tout le reste. C.I. :
Chez moi, il faut payer plus cher la nourriture qui n’a pas été traitée ou
pulvérisée avec des produits chimiques ! A.T.A. :
S’il y avait un échange direct entre les gens, il n’y aurait pas tous ces
coûts. En fait, cela crée une pyramide qui ne vise qu’à satisfaire la
classe supérieure. Le
commerce international doit être contrôlé parce que l’injustice occasionnée
par cet ordre économique international ne peut satisfaire les besoins élémentaires
des gens, comme se vêtir et se loger, et qu’elle contente l’avidité des
riches dans les pays riches. Et nous, dans les pays pauvres, nous devons nous
contenter de la monnaie, qui servira à acheter des désirs créés de toutes pièces
par les médias, par la publicité. C’est un cercle vicieux. C.I. :
Comment faire face à ce problème ? A.T.A. :
Je serais partisan d’une scission du système économique international. Ce
qui ne veut pas dire se séparer des autres peuples du monde. Nous devons au
contraire renforcer les liens qui existent entre tous les mouvements populaires
dans le monde qui combattent l’exploitation et dénoncent la société
d’abondance actuelle qui menace d’épuiser toutes nos énergies. C.I. :
Comment fédérer tous ces mouvements de base ? A.T.A. :
Commençons par regarder ce que nous avons tous en commun, que nous vivions en
pays riche ou pauvre. Ce que nous partageons tous, c’est notre humanité,
la vie spirituelle. Il n’y a pas de frontière en la matière. Je pense
que la vie spirituelle ne doit pas être mise au centre. En tant qu’êtres
humains, nous pouvons décider de notre vie, sur le plan personnel, familial et
collectif. Nous devons renforcer nos fondations spirituelles. Ce que nous
vivons à Sarvodaya, quand nous sommes plusieurs centaines à nous rencontrer,
à penser ensemble, à travailler ensemble, à partager nos joies et nos peines
ensemble, c’est le sentiment de libérer des processus mentaux et d’y
trouver une sorte de protection, d’espoir, de joie et de sécurité. Nous en
ressentons les effets, et c’est ainsi que nos communautés créent des liens
entre elles. Que les scientifiques parviennent ou non à le prouver un jour,
cela ne change rien. Je
suis aujourd’hui à San Francisco, à plus de vingt-deux mille kilomètres de
chez moi, et je n’ai pourtant pas l’impression d’être en terre étrangère,
je ne me conduis pas comme si j’étais avec des étrangers. Et vous ne
m’avez pas traité comme un étranger ; vous m’avez accepté comme un
membre de votre famille. Ce qui veut dire que, par-delà les différences géographiques
ou économiques, ceux qui croient aux petites communautés pourront toujours
s’entendre. S’il y a des exclus, c’est parce que nous avons accepté que
la technologie soit utilisée et gérée par ceux qui croient aux méga-systèmes
de pouvoir, aux gigantesques systèmes d’organisation économique, comme
l’armée ou les multinationales. La technologie mondiale est utilisée, dans
sa majeure partie, par une minorité de gens qui défendent la grandeur et la
centralisation. C’est pourquoi nous autres petits pays, dès lors que nous
avons construit notre vie spirituelle, nous devons nous servir des technologies
existantes pour communiquer les uns avec les autres. Nous ne pourrons peut-être
pas lancer des satellites tout de suite, mais il y a toujours le téléphone,
les services postaux, les documents imprimés. Autant de moyens auxquels les
petits groupes peuvent recourir pour garder le contact entre eux de par le
monde. C’est
ce qui se passe aujourd’hui dans les sociétés du passé. Quand je parle des
« sociétés du passé », je ne pense pas aux sociétés qui
existaient au XIIe ou au XIIIe siècle, mais à une société
actuelle ancrée dans les valeurs du passé (croire par exemple que les enfants
ont une responsabilité morale vis-à-vis de leurs parents âgés, que l’on
doit s’entraider entre familles du voisinage, que le paysan a l’obligation
morale de produire « propre » sans détruire l’environnement ni
polluer les sols avec des engrais chimiques). C.I. :
Ce concept d’une « société du passé » n’a effectivement rien
à voir avec les valeurs des sociétés modernes qui mettent en avant tout ce
qui est « nouveau ». Quels sont, d’après vous, les arguments
philosophiques en faveur des sociétés « du passé » par rapport
aux « nouvelles » sociétés ? A.T.A. :
Tout d’abord, la plus grosse lacune de la culture occidentale, c’est qu’il
n’y a pas de critère pour mesurer le bien et le mal. Cela se perd dans la
pensée libérale. En d’autres termes, rien n’est considéré comme un péché
ou un mérite. Vous n’êtes pas responsable, car vous ne savez pas si vous
allez renaître ou non. Au Sri Lanka, nous croyons en la réincarnation. Nous
croyons au péché et au mérite. Dans notre société, l’ancien système
perdure. Je pense que la grande majorité des gens qui vivent dans le monde, au
moins quatre-vingt-cinq pour cent, appartient à cette société du passé. Bien
sûr, certains sont à l’aise financièrement, mais ils restent attachés aux
anciennes valeurs. Ce serait une erreur d’oublier ces valeurs, de ne vouloir
que la société moderne et l’accumulation des richesses et de penser que ces
quatre-vingt-cinq pour cent de gens devraient tout faire pour acquérir ce que
les quinze autres pour cent possèdent. Ces quinze pour cent qui profitent de la
richesse ne vivent pas seulement aux États-Unis et au Japon ; il y
en a aussi dans mon pays. Alors
que faire maintenant, nous autres qui appartenons à l’ancienne société et
condamnons l’attitude qui consiste à vouloir devenir la société moderne –
haute consommatrice en énergie et pollueuse de l’environnement ? Nous
disons que nous la rejetons. Nous voulons vivre à l’ancienne, tout en
corrigeant les déficiences existantes et en satisfaisant les besoins élémentaires
des gens, de sorte qu’il n’y ait plus de pauvres. Nous ne voulons pas être
riches ; nous voulons une société sans pauvres, pas une société
d’abondance. Et nous construirons une nouvelle société qui se passera de la
société moderne de la même façon que ceux qui sont dans la société moderne
se sont passé de la société du passé. Ils ont essayé en vain, et d’une
manière malhonnête, de dire aux gens du tiers-monde : « Venez, vous
pouvez accéder à notre niveau de vie. Nous vous offrons la première décennie
du développement, la deuxième décennie du développement, la troisième décennie
du développement. Nous vous donnons l’Année de l’enfance, l’Année des
handicapés, l’Année des personnes âgées, des femmes. » Mais
aujourd’hui, après toutes ces belles années, qu’en est-il réellement des
droits des handicapés ? Et les femmes, sont-elles libérées ? Chaque
enfant mange-t-il à sa faim ? Non. Il faut arrêter de nous bluffer. Les
pauvres n’ont pas un litre d’eau à boire, tandis qu’eux, là-bas, ont des
milliers de litres d’eau pour leurs piscines. Nous disons : « Non,
nous ne voulons pas arriver là où vous êtes. Nous croyons, au contraire, à
une fondation spirituelle, à des relations morales, à de petites organisations
économiques et politiques. » Alors que faire ? Eh bien, c’est à
nous de trouver, en commençant par établir des liens avec tous les mouvements
concernés dans le monde pour réfléchir ensemble à des solutions. C.I. :
À propos des valeurs morales et spirituelles des sociétés du passé,
j’ai entendu dire qu’au Sri Lanka, l’afflux monétaire a favorisé le
commerce de la prostitution chez les jeunes – les garçons comme les filles
peuvent se faire plus d’argent en un week-end que leurs parents en une année
de travail, ce qui menace sérieusement l’économie et les valeurs du Sri
Lanka. Le mouvement Sarvodaya affronte-t-il ce problème ? A.T.A. :
Eh bien, nous menons actuellement un travail d’assistance pour tenter de
sauver ceux qui sont tombés dans la drogue, la prostitution ou la délinquance.
Nous disposons ainsi de toute une panoplie d’actions sociales pour les aider,
notamment un programme spécial dans le Sud pour la réinsertion des ex-délinquants.
Nous avons également un programme de prévention pour éviter que de telles
choses se produisent, car nous estimons que nos efforts ne doivent pas seulement
porter sur les soins ou les premiers secours mais qu’ils doivent aussi servir
à la prévention. Dans ce programme, on montre aux participants une société
dans laquelle ce genre de choses ne peut arriver. On leur montre aussi comment
vivent ceux qui sont opprimés afin d’élever leur état d’esprit et leur
comportement. Mais d’après notre philosophie sociale au sein du mouvement
Sarvodaya, bon nombre de ces problèmes ne sont que le résultat du système économique
injuste qui domine actuellement. C.I. :
L’Amérique joue-t-elle un rôle dans l’oppression économique des pauvres
dans le monde ? A.T.A. :
Oui. Je pense que l’Amérique devrait admettre une très grande part de
responsabilité. Apres tout, l’Amérique est un pays qui s’est construit sur
des principes d’égalité très élevés, de fraternité, etc. Je me souviens
de l’image que mes parents avaient de l’Amérique : celle d’un pays
capable de libérer le reste du monde. Mais je ne pense pas que l’Amérique ou
les autres superpuissances jouent le rôle qu’elles devraient jouer
aujourd’hui. Moralement, elles n’ont pas le droit de dépenser neuf cents
milliards de dollars par an pour les armements pendant que neuf cents millions
de gens meurent de faim. Tant que cet argent sera complètement détourné à
des fins de destruction, les économies des pays pauvres seront ruinées. C.I. :
Si votre pays devait se séparer du système international, comment feriez-vous
face au problème de la dette extérieure ? La dette a-t-elle permis aux
banques internationales de contrôler votre économie ? A.T.A. :
Oui, elles ont tant et si bien réussi à lier l’économie des pays pauvres en
voie de développement à l’économie mondiale que ce sont elles, maintenant,
qui prennent les décisions et dirigent le pays. Pour en sortir, ces pays
n’ont pas d’autre moyen que de rassembler leur courage, d’expliquer aux
gens ce qui s’est passé et de les préparer à affronter les pires conséquences
avant d’aller dire aux banques : « Nous ne paierons pas notre dette. » Vous
savez, dès le début, quand ils ont donné l’argent, il était évident,
compte tenu du système, que nous n’allions pas pouvoir gagner suffisamment
d’argent pour rembourser le montant de la dette. Ne pas payer aurait toutefois
de très graves conséquences ; ce n’est pas aussi facile que ce que
j’ai dit. C’est pourquoi seuls les pays dont les dirigeants sont capables de
montrer un exemple d’altruisme à travers leur propre mode de vie, leur intrépidité
et leur intégrité morale y parviendront. Je parle d’un chef qui pourrait
dire : « Regardez. Voici où nous en sommes : nous pourrions
continuer à emprunter et à être endettés, mais ce n’est pas ainsi que nous
éradiquerons la pauvreté dans nos sociétés. Au mieux, cela fera quelques
riches de plus. Si nous voulons éradiquer la faim dans notre pays, il faut
rejeter cette théorie économique, cette économie de marché telle qu’elle
fonctionne actuellement, et rassembler toutes nos ressources pour satisfaire les
besoins fondamentaux des gens. » Ces
« besoins fondamentaux » sont notre premier objectif économique,
non pas la croissance ou l’augmentation du revenu par habitant. Tous les débats
sur la croissance et la non-croissance n’ont aucun sens s’il n’y a pas de
valeur rattachée à l’ensemble. La question ne devrait pas être :
« Quelle est la croissance de l’économie ? », mais plutôt :
« Combien de gens ont mangé à leur faim aujourd’hui ? » Vous
savez, une grande partie des richesses part dans la consommation inutile et le
gaspillage. Mais dans les sociétés du passé, à partir du moment où les
besoins fondamentaux sont satisfaits, les gens construisent des œuvres d’art
et d’architecture. Bien sûr, un marxiste dirait que tout vient du système
d’esclavage ; mais s’il y a déjà eu des sociétés de ce type, cela
n’a jamais été le cas dans la société sri lankaise. La statue du Bouddha Samadhi
[à Polonaruwa, Sri Lanka] n’aurait jamais pu être sculptée par un esclave.
Seul un homme totalement libre pouvait sculpter la sérénité du Bouddha dans
cette pierre. Je me souviens que le Pandit Nehru, alors qu’il était Premier
ministre de l’Inde, faisait parfois le voyage pour venir la regarder de longs
moments. Seules les cultures de base produisent de grandes œuvres d’art et
d’architecture dans le monde, des constructions qui durent des siècles. Après
avoir satisfait les besoins vitaux des gens, il faut satisfaire les besoins au
niveau de la communauté. Nous n’avons pas besoin d’un téléviseur dans
chaque maison ; un plus gros téléviseur peut très bien servir à toute
la communauté. La semaine dernière, j’ai visité une communauté au Japon.
Ils ne sont que trois cents mais ils sont équipés d’un centre de soins,
d’une école maternelle, d’une école primaire, d’un collège, d’un lycée
et d’une université qui profitent à l’ensemble de la communauté :
hommes, femmes et enfants. En fait, ils sont très heureux sans avoir de système
éducatif de masse, lequel ne fait que conditionner les gens à vivre dans une
société où la compétition et l’avancement matériel individuel sont les
principaux objectifs. Si nous pourvoyons à l’ensemble des besoins éducatifs
sur la base de la coopération, les ressources seront plus que suffisantes pour
chaque pays. Les dirigeants des pays pauvres doivent avoir le courage de décentraliser
le pouvoir économique et politique. La décentralisation renforce le centre :
car si le centre a le courage de répartir les pouvoirs, il est réellement
fort. Dès lors que tout un pays possède une telle force, ses dirigeants
peuvent aller dire aux banques et aux gouvernements étrangers : « Désolés,
nous aimerions bien vous payer parce que nous avons l’habitude d’honorer nos
dettes, mais nous ne le pouvons pas. De toute façon, vous les avez à maintes
reprises récupérées autrement. »[3] C.I. :
Au cours de l’année et demie qui vient de s’écouler, il y a eu une vague
de violence au Sri Lanka entre Tamouls et Cinghalais. Quel est le véritable
enjeu de ce conflit civil ? A.T.A. :
Nous étions nombreux à avoir prédit cette vague de violence au Sri Lanka. On
a beaucoup parlé de violence collective ; mais, pour nous, ce n’était
que le point culminant d’un effondrement graduel des valeurs spirituelles,
morales et culturelles qui avait commencé il y a vingt ou trente ans. Ensuite,
la question collective est devenue une excuse pour expliquer ce qui s’était
passé et on a dit à l’étranger que des bouddhistes cinghalais tuaient des
Tamouls hindous, ce qui est complètement faux. Aucun bouddhiste n’a jamais tué
un hindou en tant que tel. En fait, il y a des gangs appartenant à des éléments
anarchiques ou à des partis politiques qui n’attendaient que l’occasion de
se livrer à des pillages. Ce sont eux qui ont causé tous ces ravages, pas un
seul moine bouddhiste ou ce que l’on pourrait appeler un bouddhiste convenable. Quand
tout a commencé, voyant que les dirigeants ne semblaient rien faire pour
stopper le processus, les groupes Sarvodaya ont appelé à mettre un terme à
l’escalade de la violence et à venir en aide aux victimes. Nous avons ouvert
des camps de secours et fait tout notre possible pour apporter un soulagement et
favoriser la réconciliation dans le pays. J’ai personnellement tenu des réunions
publiques à travers tout le pays pour appeler les Cinghalais et les Tamouls à
ne pas tomber dans le piège de la violence. Dix-sept
frères et sœurs tamouls vivent avec nous. Un jour, un gang cinghalais est venu
frapper à la porte et ma fille aînée est allée répondre : « Mes
parents m’ont dit de dire que si mon père était là, il faudrait d’abord
le tuer avant de pouvoir toucher à quelqu’un de la famille tamoule. Si ma mère
est là, c’est elle qui mourra en premier. Mais comme je suis l’aînée de
la famille et que mes parents ne sont pas là, c’est moi que vous devrez tuer. »
Peut-être ne mesurait-elle pas toute la gravité de ses paroles, mais il ne lui
a été fait aucun mal et ils sont partis en s’excusant. C’est le genre de
choses que les journaux ne publient pas. Un très grand nombre de femmes et
d’enfants cinghalais ont accompli des actes héroïques en cette période où
régnait la folie dans le pays. C.I. :
Vous dites que des bouddhistes ont protégé des Tamouls ? A.T.A. :
Oui, trois fois oui. C.I. :
Je sais que vous avez organisé une marche pour la paix qui a rassemblé plus de
trente mille Sri Lankais, et que le président Jayawardene vous a demandé de
l’arrêter parce qu’il craignait pour votre sécurité. A.T.A. :
Oui, mais je ne l’ai pas fait pour des raisons de sécurité personnelle. Je
n’allais tout de même pas tout arrêter parce que je faisais l’objet de
menaces. De par notre engagement pour la révolution non-violente, nous
sommes prêts à mourir à tout moment pour aider les autres à vivre. Mais
comme le président m’a adressé un appel personnel, j’aurais eu tort de ne
pas en tenir compte. Alors j’ai arrêté la marche. Je ne voulais pas non plus
qu’on puisse dire qu’à cause de nous la « conférence multipartite »
n’a pas été possible. J’ai donc poursuivi mon voyage pour la paix en
voiture, pendant soixante-neuf jours, me semble-t-il. Le jour où la « conférence
multipartite » s’est réunie pour la première fois, nous avons mis fin
à nos déplacements. Je m’étais dit entre-temps que je créais une peur
inutile dans l’esprit des dirigeants politiques, aussi bien parmi ceux qui étaient
au pouvoir que parmi ceux qui essayaient de s’y hisser. Or ce n’était pas
tant du mouvement qu’ils avaient peur que de moi, car ils pensaient que j’étais
capable d’attirer des foules. Je me suis dit que ce n’était pas bien de créer
de la peur dans l’esprit d’autrui et j’ai décidé de quitter le pays
pendant quelques mois, le temps que les choses se calment. C.I. :
Craignaient-ils que vous deveniez une force politique ? A.T.A. :
Je suis une force politique. Je veux dire par là que je n’ai pas
besoin de le cacher. Mais vous savez, je ne donnerai jamais dans la politique
politicienne. Il y a plus important à faire. Au lieu de contester un
gouvernement, à Sarvodaya, c’est le système tout entier que nous mettons en
cause. Ils pourront toujours dire que nous sommes des « sentimentaux »,
des « idéalistes » ou ce qu’ils veulent. Et bien que nous ne
voulions pas prendre leur place, ils ont peur. Mon
absence n’affecte de toute façon pas le Mouvement. Chaque village a sa propre
organisation. D’ici un an, le nombre de centres où nous sommes actifs devrait
doubler. Oui, Sarvodaya continuera. Mon rêve, c’est d’avoir seize mille
villages au Sri Lanka pour construire un véritable système alternatif qui ne
soit pas qualifié d’« alternatif », et pouvoir déclarer un jour
notre liberté. Quatre
ans après cette interview, j’ai envoyé une lettre à Ariyaratne pour lui
demander ce qu’il pensait de la guerre civile au Sri Lanka qui perdurait. Sa réponse
date du 11 novembre 1988. C.I. :
Quand nous nous sommes vus en 1984, vous m’avez dit que la violence qui commençait
à se manifester au Sri Lanka était le fruit de l’effondrement graduel des
valeurs spirituelles, morales et culturelles au cours des trente dernières années.
Ces raisons vous semblent-elles toujours les causes inhérentes au conflit civil
qui fait rage au Sri Lanka ? A.T.A. :
Oui. Tous les aspects de la vie spirituelle, morale et culturelle reposent sur
des valeurs. À partir du moment où le système de valeurs est détruit,
l’État, notamment la police et les forces armées, doit recourir à des
instruments de plus en plus coercitifs pour instaurer l’ordre dans la vie économique,
politique et sociale. Au cours de ces dix dernières années, le gouvernement et
les secteurs économiques locaux et multinationaux ont fait des efforts frénétiques
pour accéder à l’affluence matérielle. Le prix des alcools a été multiplié
par dix, les casinos et les salles de jeux sont de plus en plus nombreux et la
toxicomanie est apparue. Gagner et dépenser de l’argent sont présentés
comme une valeur essentielle de la vie. Le mauvais exemple donné par une très
faible minorité a été propagé auprès d’une opinion publique très
impressionnable par les médias, que ce soit la télévision, la radio ou les
journaux. Des magazines pornographiques sont aujourd’hui entre les mains de
jeunes enfants. C’est pourquoi quand tous ces maux sont apparus dans notre
société, la violence est tout naturellement devenue partie intégrante de
notre structure et elle s’est répandue dans la communauté. Dès lors, les
conflits personnels, mais aussi politiques, ont été réglés par la force armée.
Le prétendu « conflit ethnique » n’était qu’un symptôme.
Aujourd’hui, plus personne ici ne parle de conflit ethnique ; il a été
relégué à l’arrière-plan. La majorité des gens est impuissante, prise en
sandwich entre des groupes qui se disputent le pouvoir. Leur vie est presque
entièrement contrôlée par des troupes étrangères ou locales, pendant que
les factions armées qui s’opposent au gouvernement coulent de beaux jours.
Nous devons agir avec la plus grande prudence et faire en sorte que les gens
continuent à suivre les programmes de développement non-violents mis en place
par Sarvodaya. La violence ne mènera jamais nulle part. À partir du
moment où les groupes violents auront épuisé leur énergie dans leur élimination
mutuelle, ils se tourneront vers les alternatives non-violentes offertes par
Sarvodaya. Telle est en tout cas notre conviction. *** *** *** [1]
Vinoba
Bhave (1896-1982) est l’un des héritiers spirituels de Gandhi. Le Mahatma
a dit un jour que Vinoba Bhave avait mieux compris la pensée gandhienne
qu’il ne l’avait lui-même comprise ! [2]
Le mot metta,
qui est au centre de la méditation de la compassion, vient du pali, un
dialecte indien en usage au temps du Bouddha. [3]
Selon un
rapport de l’UNICEF de 1988, la dette du tiers-monde s’élève à plus
d’un million de milliards de dollars et le remboursement de la dette représente
près d’un quart des revenus des pays en voie de développement. Dans le même
temps, les quarante pays les plus pauvres au monde ont réduit de moitié
leurs dépenses de santé au cours des dernières années, et d’un quart
le budget de l’éducation. D’après Lawrence Bruce, président du Fonds
des Nations Unies pour l’enfance, la hausse constante des montants à
rembourser aux institutions occidentales au titre de la dette a pour effet
direct d’enlever littéralement le pain et les médicaments de la bouche
de millions d’enfants qui vivent dans des pays en voie de développement. |
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