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Grève
générale
L’appel à la grève générale consiste à demander
à tous les citoyens – fonctionnaires, employés et travailleurs – de cesser
leurs activités afin de paralyser la vie administrative et économique d’un
pays, d’une région ou d’une ville. Une grève générale peut être organisée pour une
courte durée : une journée, quelques heures, voire quelques minutes
seulement. (Les opérations « ville morte », au cours desquelles il
est demandé à chacun de suspendre toute activité, s’apparentent directement
à une grève générale de courte durée.) Il s’agit alors d’une action
symbolique destinée à manifester concrètement la détermination de la
population dans un conflit qui l’oppose à un pouvoir politique ou économique.
La réussite d’une action d’une telle envergure présuppose que la
population ait déjà conscience de l’importance de l’enjeu de la lutte en
cours. Pour que l’impact d’une grève générale de courte durée ne reste
pas sans lendemain, il importe que, dans le même temps, soient proposées à la
population d’autres actions qui permettent à la lutte de s’inscrire dans la
durée. La mobilisation générale suscitée par la grève doit se prolonger à
travers d’autres formes d’intervention et de non-coopération. Une grève générale illimitée ou de durée indéterminée
ne peut être décidée que dans des circonstances exceptionnelles où l’enjeu
politique de la lutte apparaît décisif pour la société. Il s’agit alors
d’engager une épreuve de force directe et frontale, soit avec le pouvoir en
place, soit avec un pouvoir usurpateur qui tenterait de s’imposer par un coup
d’État ou une agression extérieure, dans le but de le faire céder ou
de l’obliger à se retirer. Ainsi, l’idée de la grève générale de tout
un peuple, décidé à briser le joug de la tyrannie et de l’oppression qui pèse
sur ses épaules et à devenir maître de son propre destin, est
l’illustration la plus parfaite du principe même de la stratégie de
l’action non-violente. Mais il ne faut pas sous-estimer les difficultés
pratiques qu’il y a à incarner cette idée dans l’histoire. Pour être véritablement opérationnelle, une grève
générale doit être victorieuse dans un délai relativement court. Si elle
devait se prolonger trop longtemps, le risque serait grand que ses effets se
retournent contre la population elle-même. Dès lors, les grévistes devraient
céder les premiers et les conséquences de la défaite ne manqueraient pas d’être
durablement dommageables. Il importe donc que le temps ne travaille pas pour le
pouvoir adverse, qui pourrait alors attendre que la grève « pourrisse »
pour reprendre l’offensive et obtenir gain de cause. Pour cela, il faut que la
population se donne les moyens de faire durer l’épreuve de force en
maintenant une activité économique minimale qui lui permette de satisfaire ses
besoins essentiels. Il convient d’abord d’assurer l’approvisionnement en
produits alimentaires de première nécessité. Il ne faut pas que la grève générale
impose une grève de la faim illimitée à la population… De même, il faut
faire en sorte que les professionnels de la santé puissent assurer un service
minimum. S’il existe une forte motivation psychologique collective et une réelle
solidarité sociale, la population saura accepter les nombreuses restrictions
imposées par la situation. Mais il importe de ne pas descendre en dessous du
seuil à partir duquel les difficultés matérielles quotidiennes deviendraient
insupportables. Pour que la grève générale réussisse, il est
essentiel que les leaders de la résistance définissent précisément les
objectifs politiques de la lutte en s’assurant qu’il est effectivement
possible de les atteindre. Il leur appartient alors de se donner les moyens de
les présenter clairement aussi bien à la population qu’au pouvoir adverse.
Sinon, la grève générale risque fort de n’être qu’un mouvement de révolte
voué à l’échec. L’issue de la lutte dépend de l’évolution du
rapport de force entre les deux parties engagées dans le conflit. L’attitude
des forces de police et des armées risque de s’avérer déterminante dans le
déroulement de la grève. Il importe donc que les leaders du mouvement tentent
d’entrer en contact avec les représentants des forces de l’ordre afin
d’obtenir, sinon leur solidarité active, du moins leur neutralité passive.
Si la victoire tardait à venir et si la grève générale montrait des signes
d’essoufflement, alors les leaders du mouvement devraient décider de la
suspendre avant qu’elle n’échoue pour mettre en œuvre une stratégie de
repli qui leur permette de garder l’offensive tout en s’inscrivant dans une
lutte de longue durée. Non-coopération
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