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Femmes palestiniennes et non-violence*

 

Lucy Nusseibeh

 

L’histoire de l’implication des femmes palestiniennes dans des actions non-violentes au cœur du combat national palestinien est presque aussi ancienne que ce combat lui-même. Pendant que le Moyen-Orient et le monde dans son ensemble agissent et réagissent à la violence engendrée par des hommes, la nécessité pour les femmes d’élever la voix pour se faire entendre est plus grande que jamais.

Nous sommes actuellement témoins de la plus intense violence dans le conflit palestino-israélien. Toute la Cisjordanie et Gaza sont embrasés par des combats féroces qui font souvent des victimes parmi les femmes et les enfants. Bien que souvent décrit comme un combat entre deux forces égales, la surpuissance militaire et politique est du coté d’Israël, qui, en contrôlant la liberté de mouvement, contrôle chaque aspect de la vie palestinienne. Le résultat en est un profond sentiment d’humiliation éprouvé par les Palestiniens par les mains des Israéliens.

Pour les Palestiniens, le contexte d’aujourd’hui est celui d’un désespoir total ; l’économie est presque complètement ruinée, et il n’y a aucun signe de revirement ; plutôt une répétition amplifiée de ce qui se passe.

Beaucoup d’enfants ne rêvent plus que d’une seule chose : devenir des « martyrs », et la seule chose que les femmes peuvent faire, c’est de « faire face », pour elles-mêmes et pour leurs familles.

Dans cette situation de siège et de bombardements, avec les femmes et les enfants qui en paient le prix le plus élevé, ce « faire face » est, en lui-même, une preuve de non-violence. La non-violence dans cette situation, c’est tout simplement faire face à la peur, aux dévastations, à la pauvreté, à l’humiliation et à cette tension permanente, complètement envahissante, pour essayer de sauvegarder son humanité.

La non-violence dans son sens classique implique la transformation de la conscience de l’opposant à travers sa propre représentation morale, de sorte que l’adversaire se rende compte que ses actions sont immorales et ainsi cesse de les commettre. Quand cela ne réussit pas, des personnes extérieures (d’un autre pays) peuvent jouer un rôle, où le « miroir » peut être tenu dans un angle différent pour que l’opposant perçoive son action différemment.

La non-violence peut également – et de façon plus large – être vue comme l’affirmation de son humanité et comme le développement d’un potentiel, en dépit des circonstances défavorables, alors que la violence réduit ce potentiel. De même que la violence nourrit la haine et nous entraîne dans un cercle vicieux et inhumain, la non-violence peut être utilisée pour rompre ce cercle. La non-violence, par conséquent, est une forme d’affirmation de soi et de libération, qui permet aux personnes de rester debout, même lorsqu’elles sont confrontées à une violence implacable, et de sauvegarder leur humanité.

Les femmes palestiniennes ont usé d’approches non-violentes depuis le tout début du conflit au siècle dernier. Pendant le mandat britannique, par exemple, elles organisèrent des pétitions auprès du parlement britannique. Déjà en 1920, elles organisèrent des manifestations de masse contre les Anglais et la politique sioniste, et en 1929, elles tinrent le premier congrès de femmes arabes palestiniennes à Jérusalem, auquel participèrent plus de 200 déléguées. À l’issue de ce congrès, une déclaration révolutionnaire fut rédigée, appelant les femmes à laisser de côté leurs autres travaux et à « épauler leurs hommes dans cette cause nationale ».

La tragédie de 1948 fut si accablante que, comme maintenant, les femmes furent d’abord occupées à faire face et à maintenir la cohésion des mille et un morceaux de leurs vies brisées. Simplement maintenir leurs familles et l’identité palestinienne était une preuve de non-violence active.

La guerre de 1967, bien que tout aussi accablante, donna une nouvelle énergie aux femmes palestiniennes, qui descendirent immédiatement dans la rue, organisant rassemblements, manifestations, marches pacifiques, pour protester et attirer l’attention sur l’injustice de l’occupation israélienne. Des comités furent créés pour aider les prisonniers et leurs familles, et à la fin des années 70, les quatre principales factions palestiniennes avaient, chacune, quatre différents comités de femmes, en plus des nombreuses organisations charitables mises sur pied afin de libérer les femmes et les éduquer pour résister à l’occupation.

Le summum de la participation des femmes dans des activités non-violentes, ce fut pendant l’Intifada de 1987, où les femmes jouèrent un rôle proéminent dans la direction des manifestations, organisant des comités populaires d’aide comme alternatives non-violentes à l’envahissement permanent du système israélien, et s’occupant à la fois de leurs familles et des institutions, alors que les hommes palestiniens étaient arrêtés en masse.

Le conflit actuel se caractérise par le fait que les hommes tirent et que les garçons jettent des pierres, alors que les mouvements de femmes sont restés longtemps absents et silencieux. Ce fut d’abord le cas de tous les mouvements, la nature soudaine et vicieuse de la violence mettant tout le monde en état de choc.

Maintenant, bien qu’il y ait des activités non-violentes (comme des marches), quelques protestations organisées et des pétitions rédigées par des organisations féminines, seule une participation internationale et une couverture médiatique semblent pouvoir renverser la vapeur. Même durant l’Intifada de 1987, Israël a réussi à contrecarrer les tactiques de non-violence, de façon à les rendre futiles et transformer des manifestations non-violentes en manifestations violentes, empêchant la couverture médiatique, confisquant les biens de ceux qui refusaient de payer des taxes et usant d’autres moyens encore.

Dans l’environnement actuel, il doit y avoir une autre façon de brandir le miroir de la moralité, de telle sorte que cela puisse briser le cercle de la violence. Les femmes peuvent être la clé de la démarche si elles solidarisent par-delà les frontières internationales. Si des femmes non moyen-orientales viennent comme observatrices internationales pour constater la souffrance des femmes palestiniennes et ensuite témoigner de ce qu’elles ont vu, peut-être leurs voix seront-elles entendues.

Elles pourront peut-être alors servir de miroir pour les femmes israéliennes, qui pourraient voter pour un gouvernement plus conciliant. De plus, si les médias focalisaient un peu plus qu’ils ne le font sur les femmes palestiniennes, et si les femmes tenaient une place prépondérante dans les prises de décisions et dans la recherche de solutions aux conflits, il y aurait un espoir que les femmes, en travaillant ensemble, puissent entraîner la création d’un État palestinien viable, et une juste solution au conflit – chose qui, jusqu’à maintenant, a échappé aux hommes.

*** *** ***

Traduit de l’anglais par Miri Tal


* Cet article, Palestinian Women and Nonviolence, a paru le 14 janvier 2002 dans CGNews. L’auteure est à la tête d’une organisation non gouvernementale sur la non-violence et la démocratie au Moyen-Orient, dont le siège est à Jérusalem.

 

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