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Femmes
palestiniennes et non-violence* L’histoire de
l’implication des femmes palestiniennes dans des actions non-violentes au cœur
du combat national palestinien est presque aussi ancienne que ce combat lui-même.
Pendant que le Moyen-Orient et le monde dans son ensemble agissent et réagissent
à la violence engendrée par des hommes, la nécessité pour les femmes d’élever
la voix pour se faire entendre est plus grande que jamais. Nous sommes
actuellement témoins de la plus intense violence dans le conflit palestino-israélien.
Toute la Cisjordanie et Gaza sont embrasés par des combats féroces qui font
souvent des victimes parmi les femmes et les enfants. Bien que souvent décrit
comme un combat entre deux forces égales, la surpuissance militaire et
politique est du coté d’Israël, qui, en contrôlant la liberté de
mouvement, contrôle chaque aspect de la vie palestinienne. Le résultat en est
un profond sentiment d’humiliation éprouvé par les Palestiniens par les
mains des Israéliens. Pour les
Palestiniens, le contexte d’aujourd’hui est celui d’un désespoir total ;
l’économie est presque complètement ruinée, et il n’y a aucun signe de
revirement ; plutôt une répétition amplifiée de ce qui se passe. Beaucoup
d’enfants ne rêvent plus que d’une seule chose : devenir des « martyrs »,
et la seule chose que les femmes peuvent faire, c’est de « faire face »,
pour elles-mêmes et pour leurs familles. Dans cette
situation de siège et de bombardements, avec les femmes et les enfants qui en
paient le prix le plus élevé, ce « faire face » est, en lui-même,
une preuve de non-violence. La non-violence dans cette situation, c’est tout
simplement faire face à la peur, aux dévastations, à la pauvreté, à
l’humiliation et à cette tension permanente, complètement envahissante, pour
essayer de sauvegarder son humanité. La non-violence
dans son sens classique implique la transformation de la conscience de
l’opposant à travers sa propre représentation morale, de sorte que
l’adversaire se rende compte que ses actions sont immorales et ainsi cesse de
les commettre. Quand cela ne réussit pas, des personnes extérieures (d’un
autre pays) peuvent jouer un rôle, où le « miroir » peut être
tenu dans un angle différent pour que l’opposant perçoive son action différemment. La non-violence
peut également – et de façon plus large – être vue comme l’affirmation
de son humanité et comme le développement d’un potentiel, en dépit des
circonstances défavorables, alors que la violence réduit ce potentiel. De même
que la violence nourrit la haine et nous entraîne dans un cercle vicieux et
inhumain, la non-violence peut être utilisée pour rompre ce cercle. La
non-violence, par conséquent, est une forme d’affirmation de soi et de libération,
qui permet aux personnes de rester debout, même lorsqu’elles sont confrontées
à une violence implacable, et de sauvegarder leur humanité. Les femmes
palestiniennes ont usé d’approches non-violentes depuis le tout début du
conflit au siècle dernier. Pendant le mandat britannique, par exemple, elles
organisèrent des pétitions auprès du parlement britannique. Déjà en 1920,
elles organisèrent des manifestations de masse contre les Anglais et la
politique sioniste, et en 1929, elles tinrent le premier congrès de femmes
arabes palestiniennes à Jérusalem, auquel participèrent plus de 200 déléguées.
À l’issue de ce congrès, une déclaration révolutionnaire fut rédigée,
appelant les femmes à laisser de côté leurs autres travaux et à « épauler
leurs hommes dans cette cause nationale ». La tragédie de
1948 fut si accablante que, comme maintenant, les femmes furent d’abord occupées
à faire face et à maintenir la cohésion des mille et un morceaux de leurs
vies brisées. Simplement maintenir leurs familles et l’identité
palestinienne était une preuve de non-violence active. La guerre de 1967,
bien que tout aussi accablante, donna une nouvelle énergie aux femmes
palestiniennes, qui descendirent immédiatement dans la rue, organisant
rassemblements, manifestations, marches pacifiques, pour protester et attirer
l’attention sur l’injustice de l’occupation israélienne. Des comités
furent créés pour aider les prisonniers et leurs familles, et à la fin des
années 70, les quatre principales factions palestiniennes avaient, chacune,
quatre différents comités de femmes, en plus des nombreuses organisations
charitables mises sur pied afin de libérer les femmes et les éduquer pour résister
à l’occupation. Le summum de la
participation des femmes dans des activités non-violentes, ce fut pendant
l’Intifada de 1987, où les femmes jouèrent un rôle proéminent dans la
direction des manifestations, organisant des comités populaires d’aide comme
alternatives non-violentes à l’envahissement permanent du système israélien,
et s’occupant à la fois de leurs familles et des institutions, alors que les
hommes palestiniens étaient arrêtés en masse. Le conflit actuel
se caractérise par le fait que les hommes tirent et que les garçons jettent
des pierres, alors que les mouvements de femmes sont restés longtemps absents
et silencieux. Ce fut d’abord le cas de tous les mouvements, la nature
soudaine et vicieuse de la violence mettant tout le monde en état de choc. Maintenant, bien
qu’il y ait des activités non-violentes (comme des marches), quelques
protestations organisées et des pétitions rédigées par des organisations féminines,
seule une participation internationale et une couverture médiatique semblent
pouvoir renverser la vapeur. Même durant l’Intifada de 1987, Israël a réussi
à contrecarrer les tactiques de non-violence, de façon à les rendre futiles
et transformer des manifestations non-violentes en manifestations violentes, empêchant
la couverture médiatique, confisquant les biens de ceux qui refusaient de payer
des taxes et usant d’autres moyens encore. Dans
l’environnement actuel, il doit y avoir une autre façon de brandir le miroir
de la moralité, de telle sorte que cela puisse briser le cercle de la violence.
Les femmes peuvent être la clé de la démarche si elles solidarisent par-delà
les frontières internationales. Si des femmes non moyen-orientales viennent
comme observatrices internationales pour constater la souffrance des femmes
palestiniennes et ensuite témoigner de ce qu’elles ont vu, peut-être leurs
voix seront-elles entendues. Elles pourront
peut-être alors servir de miroir pour les femmes israéliennes, qui pourraient
voter pour un gouvernement plus conciliant. De plus, si les médias focalisaient
un peu plus qu’ils ne le font sur les femmes palestiniennes, et si les femmes
tenaient une place prépondérante dans les prises de décisions et dans la
recherche de solutions aux conflits, il y aurait un espoir que les femmes, en
travaillant ensemble, puissent entraîner la création d’un État
palestinien viable, et une juste solution au conflit – chose qui, jusqu’à
maintenant, a échappé aux hommes. ***
*** *** Traduit
de l’anglais par Miri Tal *
Cet article, Palestinian
Women and Nonviolence, a
paru le 14 janvier 2002 dans CGNews. L’auteure est à la tête d’une
organisation non gouvernementale sur la non-violence et la démocratie au
Moyen-Orient, dont le siège est à Jérusalem.
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