Jean-Marie Muller : «Face au terrorisme, non, la France n’est pas en 
			guerre! »
			
			
			
			 
			
			
			
			Jean-Marie Muller
			
			
			
			 
			
			Face à cette tragédie qui 
			bouleverse chacun de nous, qui peut penser que c’est le moment 
			d’appeler le peuple français à prendre les armes du meurtre pour 
			partir à la guerre ?
			
			27/11/15
			
			 
			
			Opinion de 
			Jean-Marie Muller, 
			philosophe 
			et écrivain, auteur du Dictionnaire de la non-violence (Le 
			Relié Poche).
			
			 
			
			« La France 
			est en guerre ! » C’est en martelant ces mots que François Hollande 
			a commencé son discours devant les parlementaires réunis en Congrès 
			à Versailles le 16 novembre 2015. Et les médias ont salué le ton 
			martial du Président de la République qui s’est exprimé en véritable 
			« chef de guerre ». Certes, l’ignominie des actes meurtriers qui ont 
			tué à Paris des dizaines d’innocents porte la violence à son 
			paroxysme. Mais, face à cette tragédie qui bouleverse chacun de 
			nous, qui peut penser que c’est le moment d’appeler le peuple 
			français à prendre les armes du meurtre pour partir à la guerre ?
			
			La mise 
			en échec des dissuasions militaires
			
			La 
			caractéristique de la stratégie terroriste est de permettre, par les 
			moyens techniques les plus simples, de contourner et de mettre en 
			échec les dissuasions militaires dont les moyens techniques sont les 
			plus sophistiqués. Alors que les grandes puissances industrielles 
			prétendent détenir les armes qui rendent inviolable leur sanctuaire 
			national, l’arme des terroristes vient porter la peur, la violence 
			et la mort au cœur même de leurs villes. Le terrorisme vient prendre 
			complètement à revers la défense des sociétés modernes en sorte que 
			les armes les plus puissantes s’avèrent inutiles et vaines aux mains 
			des décideurs politiques et militaires.
			
			Le 
			terrorisme n’est pas la guerre
			
			Le 
			terrorisme n’est pas la guerre. Sa stratégie, au contraire, pose 
			comme postulat le refus de la guerre. Ce qui caractérise la guerre, 
			c’est la réciprocité des actions décidées et entreprises par chacun 
			des deux adversaires. Or, précisément, face à l’action des 
			terroristes, aucune action réciproque ne peut être entreprise par 
			les décideurs adverses. Ceux-ci se trouvent en effet dans 
			l’incapacité de répondre 
			coup pour coup à un 
			adversaire sans visage qui se dérobe. L’État français 
			s’enorgueillit de posséder l’arme nucléaire pour défendre 
			efficacement ses intérêts vitaux, mais les terroristes se moquent 
			des États nucléaires.
			Certes, 
			l’apparition de Daech sur la scène du Moyen-Orient change la configuration classique du terrorisme. Daech n’est pas 
			l’État qu’il prétend être mais il s’agit d’une organisation 
			militaire et politique structurée qui occupe certains territoires et 
			mène des actions de guerre en Irak et en Syrie. Pour autant, Daech 
			ne viendra pas faire la guerre en France et la France n’envisage 
			aucune intervention au sol au Moyen-Orient. Ainsi l’action de Daech 
			en France restera une action terroriste. Si la nécessité impose 
			certains actes de violence contre les terroristes, ils 
			n’impliqueront que des agents de l’État et non l’ensemble des 
			citoyens.
			
			La 
			violence en réponse à la violence ?
			
			En France, 
			et un peu partout dans le monde, la Marseillaise a retenti comme un 
			chant de solidarité et de résistance. L’air était juste, mais jamais 
			les paroles guerrières de notre hymne national n’ont résonné de 
			manière aussi fausse : qui peut croire, en effet, que les citoyens 
			français soient appelés à prendre les armes et à former des 
			bataillons pour abreuver nos sillons d’un sang impur ? Non, face à 
			la violence du terrorisme, les citoyens ne sont pas mis en demeure 
			de répondre par la violence de la guerre. Nous devons certes 
			surmonter toute peur et nous mobiliser, mais pour résister à la 
			logique de la terreur qui est la logique de la violence. L’arme des 
			terroristes est d’abord une arme idéologique et c’est cette arme 
			qu’il faut briser. Face à l’inhumanité du terrorisme, l’urgence est 
			d’affirmer les valeurs universelles d’humanité qui fondent la 
			civilisation. Et ce sont les mots de notre devise républicaine qui 
			doivent inspirer notre action : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
			
			Désarmer 
			le terrorisme
			
			Le malheur, 
			c’est précisément que la culture qui domine nos sociétés est 
			structurée par l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et 
			honorable. Désarmer le terrorisme, c’est d’abord désarmer cette 
			idéologie afin de construire une culture fondée sur une éthique de 
			respect, de justice, de fraternité et de non-violence.
			
			Car le 
			véritable réalisme est de voir dans l’extrême ignominie de la 
			violence du terrorisme, l’évidence de la non-violence.
			
			« Le sang, 
			disait Victor Hugo, se lave avec des larmes et non avec du sang. »
			
			Jean-Marie 
			Muller 
			
			www.jean-marie-muller.fr
			
			
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